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Critique de migdal


Se distanciant des comédies caustiques et humoristiques qu'il écrit depuis trente ans, Eric Fottorino, ancien directeur du quotidien le Monde, reprend sa plume de journaliste et publie son enquête sur les dégâts irrémédiables générés par la prolifération des éoliennes.

Tragédie en cinq actes, Mohican met en scène les Danthôme, des jurassiens qui cultivent depuis des générations leur ferme des Soulaillans.

- Déluge, premier acte, montre Brun, 76 ans, récapituler son existence qui en deux générations a transformé ce paysan en agriculteur adepte de la modernité (coopératives, engrais, rendements intensifs, tracteurs, syndicalisme agricole) puis en agricultueur (désherbants, fongicides, insecticides, fongicides). Suzanne, son épouse, est morte assassinée par les épandages qu'il a commis, juché sur son tracteur Little Boy, tel un pilote d'avion bombardant au napalm.

- Désert, décrit les effets mortifères de la politique agricole subventionnant les fermiers qui laissent en jachère leurs terres sans se soucier de la faim dans le monde et les ruine en imposant des prix de cession insuffisants. Asphyxié financièrement, Brun succombe au discours commercial d'un promoteur d'éoliennes avant de mourir d'un cancer.

- Destruction montre les bulldozers monter à l'assaut des Soulaillans, raser les sentiers et les haies, retourner les terres, couler des milliers de tonnes de béton, les grues dresser les pylônes, les nacelles et les pales, puis les câbleurs tirer les lignes électriques reliant les aérogénérateurs au réseau électrique. Chaque structure pèse 1200 Tonnes, écrase le sous sol, détruit les irrigations et assèche les nappes phréatiques. Les pales se révèlent être des armes de destruction massive pour les oiseaux, le bruit et le rayonnement des câbles électriques tuent progressivement la bétail et Mo, le fils de Brun voit ses vaches, ses moutons, mourir comme celles des voisins. Mo se révolte et aidé par son oncle, ancien soldat en Algérie, retrouve des caisses parachutées durant la guerre pour les résistants … « Le Mohican des Soulaillans » connait alors son heure de gloire.

- Délivrance permet à Monika, archéologue helvétique, de dévoiler les dessous des Soulaillans, de déterrer les traces laissées par dix mille ans de vie humaine, de révéler le travail multi-séculaire d'essartage des forêts, d'assèchement des marais permettant à des générations de Danthôme de passer de la cueillette et de la chasse, naturellement aléatoires, à la culture. Les trouvailles archéologiques rendent les Soulaillans inviolables et autorisent Mo à poursuivre, sur les pas de ses ancêtres, une agriculture biologique respectueuse de la nature, de sa préservation et de sa transmission aux générations suivantes.

- Demain (?), le cinquième acte, que l'auteur laisse au lecteur le soin d'écrire, voit Mo et Monika fonder une famille et naitre une génération assurant la pérennité des Soulaillans …

Cette tragédie, fort classique dans sa forme et ses évocations des Géorgiques de Virgile, m'a passionné et pas seulement parce que les éoliennes ont bousillé l'horizon de Baume Les Dames, paysage que je partage avec les Danthôme.

C'est, à ma connaissance, la première fois qu'un écrivain français, qu'un journaliste « de référence », montre concrètement les drames résultant des éoliennes qui sont tout sauf les innocents moulins à vent que nous promettent nos financiers et nos politiques qui projettent de déployer 36 000 aérogénérateurs sur nos terres et les mers du littoral en occultant leurs conséquences sur la faune, la flore, la population et le climat.

Inspiré par la nostalgie d'un Zola dans « La terre », la tradition d'un René Bazin dans « La terre qui meurt », la poésie d'un Jean Giono dans « Le chant du monde », Eric Fottorino réussit un roman magnifique et prophétique qui nous promet que Mo n'est pas « Le dernier des Mohicans » mais est le prototype du paysan de demain, garant d'un avenir frugal, naturel et sain.
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