Le temps, ma chérie. Le temps nous érode, révélant notre nature intime.
Mais je voudrais juste rappeler que personne ne détient la recette du bonheur de ses enfants. C'est a eux de la trouver, et il faut pour cela leur en laisser la liberté.
On ne peut pas incendier les rêves de nos enfants sans subir un jour un retour de flammes, poursuit ma belle-mère.
À cet instant, le silence invite tous les possibles. Et en tendant l'oreille, on perçoit les notes émues de nos sentiments sur la portée fragile des liens qui nous unissent.
J'ai pas mal bourlingué, observe-t-il en fixant la tombe de Denez, et nulle part ailleurs je n'ai autant perçu l'influence des morts qu'ici, en Bretagne. Ça ne s'explique pas, ça se ressent, tout simplement. Ça nous enserre, intensément. Et c'est parfois tellement constrictif que l'on finit par fuir. Mais quand notre âme vacille, que l'on se sent faibles et perdus, nous revenons sur notre terre natale pour y puiser la force de nos défunts. Les morts sont le terreau des vivants.
C'est comme ça que devrait être la vie, pleine de soleil et de joie. Bien des drames contre lesquels nous sommes impuissants viennent nous la gâcher. Inutile de nous en créer d'autres. Le malheur entre sans frapper, mais le bonheur, lui, il faut l'inviter.
Selon ma grand-mère, les regrets sont des algues voraces qui nous retiennent au bord de la vie comme des barques échouées. Si on ne se lave pas de nos peines, elles nous scouvrent jusqu' à ne plus laisser la moindre lumière atteindre notre cœur.
En Bretonnes pure souche, nous savons toutes les trois que le ressassement des regrets est aussi dangereux que le ressac de l'océan. Certaines vagues peuvent tout emporter quand elles déferlent, y compris notre avenir.
Toutes les femmes qui ont enfanté possèdent un ou plusieus petits cœurs supplémentaires qui palpitent autour du leur. Et quand leur propre cœur est en dormance, c'est à ses satellites qu'il faut s'adresser pour le réveiller. Aucune maman ne reste de marbre à l'évocation de cet instant magique ou elle a donné la vie et senti contre sa joue le souffle chaud de ce bout d'elle fragile.
La démesure des dégâts causés par une simple discordance entre deux personnes est toujours surprenante. Un seul être vous tourmente, et toute la famille est dénigrée.