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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Plutôt qu'une critique du très intéressant ouvrage de Freud « L'avenir d'une illusion », quelques notes rapides jetées au hasard. Ce livre vient d'être utilement republié par « Flammarion /Le Monde ». Il est enrichi d'un excellent dossier critique. Freud dans cet ouvrage s'interroge douloureusement sur l'avenir de la culture occidentale.

[« La culture humaine – j'entends par là tout ce à quoi la vie humaine s'est élevée au dessus de ses conditions animales et ce en quoi elle se différencie de la vie des bêtes, et je dédaigne de séparer culture et civilisation – présente, comme on le sait, deux faces à l'observateur. »] Elles sont le savoir faire pour dominer les forces de la nature et les dispositifs pour régler les relations des hommes entre eux et particulièrement la répartition des biens. Chaque individu est un ennemi de la culture en raison des contraintes qu'elle fait peser sur lui (déplaisir au travail et pulsions irréductibles par l'argumentation). La culture donne donc l'impression d'être imposée à une majorité récalcitrante, d'être fragile et d'avoir besoin d'être défendue.

[« le pas suivant consiste à faire la différence entre les privation qui concernent tout le monde et celles qui concernent pas tout le monde, mais simplement des groupes des classes ou même des individus. »]
Certaines contraintes sont communes à l'humanité dans leur entier (incestes, cannibalisme, meurtre…), elles procèdent dans ce cas de l'animalité originelle. Pour les pulsions les plus anciennes, des progrès de l'âme ont permis d'intérioriser les contraintes externes. le sur-moi a adopté en effet au nombre de ses commandements ces contraintes.
Par contre, lorsque l'on se tourne vers les autres exigences pulsionnelles, on remarque que seules les contraintes externes sont opérantes et qu'en leur absence les individus sont les jouets de leurs pulsions. Pour ce qui est des restrictions pour seulement des classes déterminées, elles génèrent un degrés permanent de mécontentement qui menace de détruire la culture elle-même (c'est une réflexion tout à fait prémonitoire de ce qui allait se réaliser dans les totalitarismes). Ce qui est en cause c'est « le tenir ensemble », c'est le retour à l'état de nature.
L'hostilité à la culture peut être bien entendu contrecarrée par la satisfaction d'idéaux. [«Il semble tout d'abord que ces idéaux déterminent les réalisation de la sphère culturelle, mais le déroulement effectif pourrait être que les idéaux se forment d'après les premières réalisations que rend possibles, pour une culture, l'action conjointe de dons intérieurs et de circonstances extérieures, et que ces premières réalisations soient alors maintenues par l'idéal afin d'être perpétuées. La satisfaction que l'idéal offre aux participants est donc de nature narcissique, elle repose sur la fierté d'une réalisation déjà réussie »] L'art offre également des satisfactions substitutives au renoncements culturels.

[En quoi consiste la valeur particulière des religions ? (...) la tâche est ici multiple ; le sentiment de soi de l'être humain, gravement menacé, réclame réconfort ; le monde et la vie doivent être débarrassés de leurs effrois ; en outre le désir de savoir des hommes, qui à vrais dire est impulsé par un intérêt pratique des plus forts, veut obtenir réponse.] le premier pas est d'humaniser la nature et de substituer ainsi la psychologie à une science de la nature toujours incomplète. C'est un modèle infantile connu où sans aide, abandonné de tous, l'enfant se retourne vers un père redouté mais de la protection de qui on est assuré. de façon analogue, l'être humain donne un caractère de père aux forces de la nature, il en fait des Dieux. [« Les Dieux conserve leur triple tâche, exorciser les effrois de la nature, réconcilier avec la cruauté du destin – en particulier tel qu'il se montre dans la mort – et dédommager des souffrances et des privations qui sont imposées à l'homme par la vie en commun dans la culture. »]

[« Quelle est donc la signification psychologique des représentations religieuses et sous quelle rubrique pouvons-nous les classer ? (…) ce sont des dogmes, des énoncés sur des faits et situations de la réalité externe (ou interne), qui font part de quelque chose que l'on a pas trouvé soi-même et qui revendiquent qu'on leur accordent croyance. »] Les dogmes religieux s'appuient sur trois points facilement réfutables : l'ancienneté des révélations ; des preuves transmises ; et l'interdiction de soulever la question de cette accréditation (ce dernier point montre leur faiblesse).

[« Il faut se demander en quoi consiste la force interne de ces doctrines, à quelles circonstances elles doivent leur efficacité, qui ne dépend pas de leur reconnaissance par la raison. (…) « (Les représentations religieuses) sont des illusions, accomplissant des souhaits les plus anciens ; le secret de leur force, c'est la force de ces souhaits. Nous le savons déjà, l'impression d'effroi lié au désaide de l'enfant a éveillé le besoin de protection – par l'amour – auquel le père a répondu par son aide ; la reconnaissance du fait que ce désaide persiste tout au long de la vie a été la cause du ferme attachement à l'existence d'un père – désormais tout puissant, il est vrai. »]

Freud pense qu'il y a plus grand danger pour la culture à maintenir son rapport présent à la religion qu'à le défaire. [« La religion a manifestement rendu de grands services à la culture humaine, elle a beaucoup contribué à dompter les pulsion asociales, mais pas suffisamment. »] Elle n'a pas rendu heureux la majorité des hommes, elle ne les a pas réconforté, ne les a pas réconcilié avec la vie, et doutant d'elle, elle les a rendu hostiles à la culture. Ces fondements avec la progression du savoir étant de moins en moins assurés, elle représente un grand péril si elle apparaît comme seule légitimation de la culture humaine.

[« de l'enfant de l'homme nous savons qu'il ne peut mener à bien son développement vers la culture sans passer par une phase de névrose plus ou moins nette. « ] Il s'agit du refoulement de certaines pulsions. [« on devrait supposer que l'humanité, considérée comme un tout entre au cours de son développement séculaire dans des états qui sont analogues aux névroses, et ce pour les mêmes raisons, pace que, au temps de son ignorance et de sa faiblesse intellectuelle, c'est seulement par des forces purement affectives qu'elle a réalisé les renoncement pulsionnels indispensables à la vie en commun des hommes. Les précipités de processus similaires aux refoulements survenus à l'époque préhistorique resteraient alors pour longtemps inhérents à la culture. La religion serait la névrose de contrainte universelle de l'humanité ; comme celle de l'enfant, elle serait issue du complexe d'Oedipe, de la relation au père. Selon cette conception, il serait à prévoir que se détourner de la religion doit s'effectuer avec la fatale inexorabilité d'un processus de croissance et que nous nous trouvons aujourd'hui même au beau milieu de cette phase de développement. (…) l'heure est venue (…) de remplacer les succès du refoulement par les résultats du travail rationnel de l'esprit. »]

« L'avenir d'une illusion » était décidément un livre prémonitoire. Il annonçait la barbarie avenir et la négation de la culture humaine qui l'accompagnerait. Il est un livre pour réfléchir aujourd'hui au retour supposé des religions et de leurs conséquences possibles sur la culture humaine. Ce n'est peut être pas le livre d'un scientifique - n'en déplaise à Freud - mais sans conteste une oeuvre prodigieusement intelligente.


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