Citations sur Le valet de Sade (13)
Elle quitta Rouen et acheta une petite maison sur la crête d'une colline au-dessus de Honfleur. Pommiers fleuris. Vallée vert-de-grisée. Bateaux sur la mer sombre. Tout cela lui parut très beau.
...dans la partie postérieure du cerveau se trouvaient les instincts et les inclinations, tandis que les sentiments les plus nobles se trouvaient au sommet.
- Monsieur de Sade, j'ai lu vos griffonnages. Les pièces de théâtre, les récits, les romans. Je n'ai jamais rien lu de plus répugnant. Si vous êtes aussi indigné par l'inhumanité et l'injustice, pourquoi écrivez-vous des choses si immorales ?
Le marquis pencha la tête pour jouer la cordialité ardemment sollicitée par son interlocuteur.
- Mon cher inspecteur, la prison, les excès quotidiens du pouvoir, la stupidité et l'inhumanité extrêmes de la justice du royaume, ne prouvent-ils pas que j'ai raison. Il me semble que c'est là l'image exacte de notre monde.
Latour avait nourri de grandes espérances parisiennes. L'Hôtel de Ville, la Cité et la redoutable Bastille. Des noms qui resplendissaient pour lui de pure noblesse et de beauté. Mais lorsque, le lendemain, il ouvrit la portière du coche sur sa nouvelle existence, il afficha une mine décontenancée. C'était le matin à l'aube. Bourdonnement des voix, chants des coqs, odeurs de la ville - odeurs de suie, d'êtres humains, de légumes. Il regarda autour de lui. Les Halles. Le marché de tous les marchés. Il était stupéfait. Mais où sont les glorieux marchands et les élégantes dames ? Se demanda-t-il. Le style de Paris dans les récits de Valérie. Ou sont Voltaire, les courtisans, les fiers paysans avec leurs agneaux fraîchement tués ?
Que mon sang inonde la terre autour de l’échafaud et la preuve sera faite que j’aurai été plus grand que moi-même
Le fort de Miolans est à quatre lieux de Chambéry sur un éperon abrupt de la montagne, à plus de six cents pieds au-dessus de la combe de l'Isère. Trois murailles et trois fossés circulaires entourent cette prison. La cellule du marquis se trouvait dans le donjon, au centre de la cour, qui servait en même temps de geôle et de quartier au commandement. Orientée au sud, la cellule donnait sur la combe et sur les sommets neigeux des Alpes.
Dallage sombre coupé par un rayon de lumière venu de la fenêtre. Murs de pierre sombre. Une grande cheminée. Un privilège : celui que les autorités sardes consentaient à la naissance du marquis.
« Ils n’ont jamais retrouvé la fille du jardinier. Je l’ai découpée à la lueur de la lune. J’ai dispersé ses restes dans la propriété. J’ai ouvert la tête dans ma chambre et débité cette sorte de cerneau en tranches fines. Je dois convenir qu’il m’a été difficile d’identifier les organes de Rouchefoucault dans un fruit aussi tendre. Les circonvolutions sont si petites et si entrelacées. La lumière de ma chambre était trop faible et il va de soi que je ne peux travailler que la nuit. C’est irritant au fond. Comment mener à bien un travail scientifique avec une pareille lumière ?
Penché sur le rebord de pierre, je contemple les terres de la seigneurie. Le ciel est devenu rouge. Rouge sombre au-dessus d'Echauffour après le coucher de soleil. Je vais aller bientôt me coucher, là-bas, et rêver. À une jeune fille avec une jolie tête, un modèle de cerveau.
Mais, presque aussitôt, cette déchéance, cette sécheresse de cœur, se révélèrent sous l'éclairage d'une certaine grandeur : le pouvoir de l'écriture ne leur avait-il pas conféré une valeur plus haute que celle de la réalité ?
Elle est très préoccupée par sa famille, cette dame, par l'autorité, la fortune, la réputation de ses filles. Bien qu'elle ait dressé des défenses contre le monde, elle n'aime pas le calme dans sa propre tête. Il y a quelque chose de désespéré dans sa voix, dans ses doigts lorsqu'elle se saisit d'un verre de vin pour le porter à ses lèvres. Dans ses yeux lorsqu'ils mesurent la course du soleil au-dessus du village. Ce qu'elle veut, c'est plus de pouvoir.