Citations sur Un si gros ventre : Expériences vécues du corps enceint (3)
La maternité n'est pas objet de philosophie, pas même objet de réflexion. Elle se présente comme une évidence arrimée à la condition féminine, son socle « naturel » et indéboulonnable : les femmes portent les enfants et les font naître, c'est leur destin ! Les neuf mois de gestation et l'accouchement qui les clôt sont ainsi réduits à une séquence mécanique de fabrication de la vie durant laquelle les femmes sont ramenées à l'état animal de reproduction. La grossesse ne se questionne pas, elle se vit! Il en va ainsi depuis les origines antiques de la philosophie et l'exclusion des femmes du champ de la pensée. (17)
Plus globalement, il y a quelque chose de proprement scandaleux dans la façon dont on appréhende la douleur des femmes, qu'elle soit cyclique ou ponctuelle: dès lors qu'elle concerne leur ventre (règles ou grossesse), elle est considérée comme une manifestation corporelle ordinaire, que l'on ne peut esquiver et que l'on doit donc endurer, en silence de préférence.
Aux yeux du monde comme aux siens propres, la grossesse, c'est le ventre, ce si gros ventre que l'on porte en avant de soi et qui dit la condition maternelle en devenir. Pendant neuf mois, tout le corps se réordonne autour de son centre : les yeux le fixent et en guettent les transformations, les mains se posent sur lui avant même qu'il soit rond - le désignant comme plein, les jambes s'écartent pour mieux le soutenir, la peau se distend et se colore, le pubis s'efface pendant que la vulve se prépare à en laisser passer le contenu.