Je me demande parfois pourquoi nous sommes ce que nous sommes, ce qui nous a forgés, ce qui guide nos gestes les plus instinctifs comme ceux que l'on considère comme réfléchis. Ce serait rassurant, déculpabilisant, de pouvoir justifier chacun de nos actes par des influences passées, des éléments malveillants dont on n'a même pas idée, tapis au fond de notre subconscient et s'affranchir ainsi des plus sombres.
Appréhender la douleur avant la mort c'est souffrir deux fois.
Je n'existais pour personne. Ma mère me manquait. Mon père me manquait. Jack me manquait aussi, mais à cet instant, je le détestais. Il était devenu imprévisible depuis l'internement de notre mère. Il avait agi en lui comme un électrochoc. Pas de ceux qui vous ramènent vers la réalité des choses et des sentiments. Non, de ceux qui vous enfoncent dans un tourment acide et violent, qui vous isole du monde.
On croit tout connaître de ses proches, de sa famille, de ses parents et pourtant rien n'est moins sûr que ce sur quoi on bâtit nos existences.
Je pensais ne m'attendre à rien mais en fin de compte, même en ne s'attendant à rien, on espère quand même quelque chose.
L'histoire s'écrit avec des mots, des bas-reliefs ou des peintures, le reste n'est que supputation.
Les enfants sont punis par le péché de leurs parents.
Henrik Ibsen, Les revenants
Le temps qui passe n'efface rien. Il ne fait que passer. On ne chasse pas l'image d'un père aimant.
Il m'a toujours semblé que ma mère marquait une préférence pour Jack. Elle disait qu'il avait une âme d'artiste, qu'il ferait quelque chose de sa vie, qu'il ferait quelque chose de sa vie, qu'il aurait son heure de gloire. Quant à moi elle prétendait que je tenais plus de mon père que d'elle. Je n'ai jamais rien compris à ces tentatives de correpondances filiales. Elle s'avèrent être le plus souvent une façon sommaire de faire un tri, de classer les proches en fonction de ses propres aspirations.
« Il avait plu la veille et toute la nuit suivante. Les nuages se déchiraient dans un ciel limpide et froid.
Les plus hauts sommets apparaissaient , gigantesques et fantasmagoriques dans les brumes aqueuses chauffées par un soleil toujours plus bas.
Dans le fond de la vallée, la Bitterroot s’écoulait dans un sillon coloré ambre et carmin qui tranchait avec le vert des conifères » …