Vivre c’est prendre des risques. Militer aussi.
On était d'accord pour dire qu'il en allait du grindadráp comme des religions: ils invitent une communauté à se livrer à des rites, en dehors de toute logique, dans le seul but de rendre la barbarie respectable au nom de ce qui serait sacré. Ed. Ldp p. 43
Les sommets du fjord, recouverts d'une pellicule de neige qui laissait entrevoir les strates sombres de la roche, baignaient leurs ombres dans les eaux apaisées et miroitantes. Les goélands et les mouettes avaient repris leur vol erratique. Des puffins jouaient avec les vagues tandis que des océanites tempètes papillonnaient parmi eux. Ils braillaient de concert pour saluer la fin de leur confinement. Je me suis toujours demandé où s'abritent les oiseaux pendant les coups de chien.
-Désolé, c'est moi qui t'invite et je manque à tous les usages. J'avais oublié que tu étais végétarienne.
-Végane, parce que la violence infligée aux animaux est une négation de notre humanité, une négation de ce qu'il peut y avoir d'intelligence dans les relations à nouer avec les autres espèces de cette planète. La première chaîne de travail sur cette terre était une chaîne d'abattage. Elle a été mise en place dans les abattoirs de Chicago en 1870. Ce n'était pas une chaîne pour construire des bagnoles ou des mécaniques agricoles, comme on pourrait le penser. Ça dit quelque chose du monde,
Martha a enfilé son sac à dos. J'ai fait de même. J'avais emporté, en calquant le sien, sac de couchage et vêtements de rechange que j'avais pris soin d'enfermer dans un sac-poubelle. Nous avons longé la côte pendant près de deux heures. La mer moutonnait fort dans le fjord. Le terrain était glissant, spongieux et malaisé. Je peinais à suivre Martha. Elle se retournait de temps à autre et me livrait de probables encouragements que je n'entendais pas, tant le fracas de la pluie tambourinant sur ma capuche était assourdissant. Les coutures étanches de ma veste montraient déjà leurs limites. J'avais froid malgré l'effort.
« Tu devrais apprendre à t’exprimer autrement qu’avec ton violoncelle. Dis les choses telles que tu les ressens. Extériorise tes maux. Frappe, mets-les à terre et essuie-toi les pieds dessus ! »
« Elle nous a encordés l’un à l’autre. Je l’ai assez mal pris, qu’elle me tienne en laisse, puis je me suis fait une raison en me disant que pour une guide ce ne devait être rien d’autre que la routine professionnelle. »
« J’avais pris l’habitude de vivre seul, bien loin des préoccupations familiales, et voilà que l’absence nouvelle de Maude (je n’osais formuler le mot « disparition ») me replongeait dans les affres de la paternité. Les jours suivant sa naissance, j’avais été en proie à une angoisse dévorante, accablé par le poids de la responsabilité qui m’incombait. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant, avoir la vie de quelqu’un entre mes mains. Les chutes, les maladies, la mort subite du nourrisson avaient habité mes nuits pendant des mois. »
Je lui ai confié que la musique et les arts devraient être enseignés au même titre que les sciences et les mathématiques parce qu'ils en appellent à l'intelligence existentielle. Ils sont les archets qui font vibrer les cordes de nos émotions, offrant ainsi la capacité à déceler dans tout être vivant, dans toute vie un état magique et fugace qu'il convient de respecter comme tel.
Maude était de nouveau entrée dans ma vie en quittant la sienne. Vivre avec ce venin dans les veines, voilà ce que je m’infligeais.