On débarrassait les assiettes à dessert. Devant la mine inquiète du serveur qui lui demandait si elle désirait quelque chose d’autre, puisqu’elle n’avait rien avalé depuis le début du repas, Robin se fendit d’un sourire et répondit :
« Un pistolet chargé, si vous avez ça en cuisine. »
- Décidément, vous vous connaissez tous, (...).
- C'est le propre du système éducatif réservé aux élites, dit Raphael. A Londres, si vous possédez la fortune adéquate, vous retrouvez les trois cents mêmes personnes partout où vous allez, depuis les bancs de l'école jusqu'à la mort...
Strike et Lorelei s’étaient rencontrés à l’anniversaire d’Eric Wardle. Une soirée qui s’annonçait mal puisque Coco y était. Il ne l’avait pas revue depuis le jour où il lui avait téléphoné pour lui dire que c’était fini entre eux. Coco avait bu comme un trou et à 1 heure du matin, alors qu’il discutait sur un canapé avec Lorelei, elle avait déboulé, leur avait balancé son verre de vin à la figure et s’était enfuie dans la nuit. Strike ignorait alors que les deux femmes étaient de vieilles amies ; il ne l’avait appris qu’au matin, en se réveillant dans le lit de Lorelei. Strike avait estimé que c’était le problème de Lorelei, pas le sien, et Lorelei avait trouvé qu’à tout prendre, elle préférait garder Strike et oublier Coco.
« Comment tu fais ? lui avait demandé Wardle, perplexe, quand ils s’étaient revus par la suite. Mince alors, j’aimerais bien connaître ton… »
En voyant Strike lever ses gros sourcils, Wardle s’était subitement interrompu, comprenant qu’il avait été à deux doigts de lui faire un compliment.
« Il n’y a aucun secret, avait dit Strike. C’est juste que certaines femmes sont attirées par les unijambistes en surpoids avec un nez de boxeur et des poils pubiens sur la tête.
— Si tu veux mon avis, le fait que ces femmes-là circulent librement prouve que les psys ne font pas leur boulot dans ce pays », avait conclu Wardle. Strike avait éclaté de rire.
[...] Parfois la sollicitude d’un inconnu, ou d’une simple relation, pouvait vous aider à remonter la pente, alors que les efforts déployés par vos proches ne faisaient que vous enfoncer davantage [...]
Strike faillit perdre la tête et lui lancer " Venez avec moi", mais certains mots, une fois prononcés, ne s'effacent ni ne s'oublient. Ces mots-là par exemple.
" Ce n'est pas juste à cause de l'argent...
- On connaît la chanson, grogna-t-il. Au bout du compte, c'est toujours à cause de l'argent, ou de ce qu'il représente : la liberté, la sécurité, le plaisir, une vie meilleure...
Dans le milieu social où baignait Charlotte, tout le monde savait qui était qui. Deux personnes pouvaient ne s'être jamais rencontrées mais se connaître quand même, par l'intermédiaire d'un frère, d'une soeur, d'un cousin, d'un ami ou d'un camarade d'université, ou bien encore parce que leurs parents respectifs étaient liés. Cette microsociété formait une tribu étroitement soudée, refermée sur elle- même et défendant farouchement son territoire. Il était rare que ses membres aillent chercher l'amitié ou l'amour à l'extérieur.
Lorsqu’il arriva sur Park Place et vit la rangée d’édifices blanc cassé qui s’étirait devant lui, Strike réalisa que le souvenir de Charlotte accrochée à sa main sur le seuil du restaurant ne le faisait plus souffrir. Il se sentait guéri, comme un alcoolique qui, pour la première fois, renifle une odeur de bière sans se mettre aussitôt à transpirer ou à chercher un moyen de combler le manque.
- Je ne suis pas Sarah Shadlock.
- Heureusement. Si vous étiez aussi assommant qu’elle, je ne bosserais pas pour vous.
- Pensez à inscrire ce commentaire sur le prochain questionnaire de satisfaction au travail. “Pas aussi assommant que la maîtresse de mon mari.” Je le ferai encadrer. »
Quelle chose merveilleuse que de reprendre espoir alors que tout semblait perdu.