Citations sur Jeu et théorie du duende (9)
Le gitan est ce qu'il y a de plus élevé, de plus profond, de plus aristocratique dans mon pays, de plus représentatif de sa manière et ce qui conserve la braise, le sang et l'alphabet de la vérité andalouse et universelle.
Mais le duende…Où est le duende ? A travers l’arche vide souffle un vent spirituel qui balaie avec insistance les têtes des morts, en quête de nouveaux paysages et d’accents inouïs ; un vent qui fleure la salive d’enfant, l’herbe broyé et le voile de Méduse, et qui annonce le perpétuel baptême des choses fraîchement créées.
Pour chercher le duende, il n'existe ni carte ni ascèse. On sait seulement qu'il brûle le sang comme une pommade d'éclats de verre, qu'il épuise, qu'il rejette toute la douce géométrie apprise, qu'il brise les styles, qu'il s'appuie sur la douleur humaine qui n'a pas de consolation.
L’arrivée du duende suppose toujours un changement radical des formes sur de vieux schémas, elle apporte des sensations de fraîcheur totalement inédites, comme la qualité d’une rose soudain créée, par miracle, produit d’un enthousiasme presque religieux.
Dans tous les pays, la mort est une fin. Elle arrive et on baisse le rideau. Pas en Espagne. En Espagne, on le lève. Là-bas, beaucoup de gens vivent entre quatre murs jusqu'au jour où ils meurent, alors on les fait sortir au soleil.
Où est le duende ? A travers l’arc vide, passe une brise mentale, qui souffle avec insistance sur la tête des morts, en quête de nouveaux paysages et d’accents ignorés, une brise à l’odeur de salive d’enfant, d’herbe foulée et de voiles de méduse qui annonce le baptême sans cesse renouvelé des choses qui viennent de naître.
Sons noirs derrière lesquels les volcans, les fourmis, les zéphyrs et la grande nuit, qui se serre à la taille dans la Voie Lactée, ont déjà une tendre intimité
Manuel Torres , grand artiste du peuple andalou , disait à un homme qui chantait : " Toi , tu as de la voix , tu connais les styles , mais jamais tu ne connaîtra le triomphe parce que toi , tu n'as pas le duende " . dans toute l'Andalousie , roc de Jaén ou coquillage de Cadix , les gens parlent sans cesse du duende et le remarquent dès qu'il apparaît avec un instinct efficace .Le merveilleux chanteur de flamenco El Lebrijano , créateur de la Debla disait : " moi , le jour ou je chante avec duende , personne n'est plus fort que moi " ; La vieille danseuse gitane la Malena s'est écriée un jour en entendant Brailowsky : " Olé ! Çà , ça a du duende ! et elle s'est ennuyée avec Gluck et avec Brahms .....Et Manuel Torres , l'homme à avoir le plus de culture dans le sang de tous ceux que j'ai connus a dit cette phrase splendide en écoutant ( Manuel de ) Falla jouer lui-même son Nocturne du Generalife : " Tout ce qui a des sonorités noires a du duende ." Et il n'a rien dit de plus vrai .
Non. Le duende dont je parle, sombre et frémissant, est le descendant du très joyeux démon de Socrate, tout de marbre et de sel, qui, indigné, le griffa le jour où il prit la cigüe et de cet autre diablotin mélancolique de Descartes, petit comme une amande verte, qui, las de tant de cercles et de lignes, sortait par les canaux pour entendre chanter les grands marins brumeux.
Le duende agit sur le corps de la danseuse comme le vent sur le sable. Il convertit par un pouvoir magique une belle jeune fille en paralytique de la lune ou remplit d'émotions adolescentes un vieillard en loques qui demande l'aumône aux portes d'un marchant de vin ; il trouve dans une chevelure une odeur de port nocturne, et à tout instant travaille les bras pour en faire jaillir des expressions qui sont les mères de la danse de tous les temps.