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Critique de dvall


« Puisses-tu ne jamais oublier ceux qui meurent sur tes pavés
Comme ceux qui s'embrassent sur tes bancs. »

Tel est l'épigraphe de ce récit, adressé par l'auteur à la ville de Paris. C'est en sortant sur le parvis de la gare Montparnasse que le narrateur est interpelé par un vagabond hirsute et dépenaillé, torse et pieds nus, qui lui lance cette question résonnant comme une énigme venue du fond des âges : « Qui es-tu, toi ?... Qui es-tu ? »

Je l'ai reconnu, Onysos le furieux, ce personnage de théâtre avec lequel j'ai fait mes premières armes dans l'oeuvre mystique de Laurent Gaudé. « Il en a tous les attributs : la violente beauté, la nudité souveraine et la crasse solaire. » le narrateur aussi reconnait celui qu'il a fait naître dans l'encre et le papier en invoquant les puissances de son imagination. Et il ne parvient pas à se débarrasser de sa question. Débute alors une errance dans la ville de Paris, un monologue qui a tout de l'incantation pour déverser la mémoire de ceux qui marchèrent et vécurent avant ce jour sur ces mêmes pavés, ces mêmes places et ces mêmes avenues. « Aux morts ! Allez ! »

Le narrateur arrive jusqu'à la rue Liancourt où son propre père fit une chute mortelle, respire dans la rue Boulard de son enfance, entend gronder les jeunes gens de la Libération, convoque le poète François Villon qui dut fuir Paris après avoir poignardé un prêtre, regarde Victor Hugo enterrer son fils au Père-Lachaise, voit passer un garçon de seize ans nommé Rimbaud qui voyage les mains dans les poches et les yeux tournés vers des lumières nouvelles… « Dernière marche pour tous ceux qui ont pris place en mon esprit. Je veux partir, que le jour se lève, et avec lui, le bruit et la cohue des vivants ». Car après les morts, l'auteur se souvient de l'amour et de la vie, de cette vie qui anime et animera toujours Paris.

Dans ce texte parfois inégal qui se laisse lire néanmoins d'une traite, comme pris dans une danse macabre, Laurent Gaudé prête sa voix au souvenir de ceux qui ont marché à Paris et péri. Avec cette ode à la mort comme à la vie, célébration d'une ville toute bruissante d'histoire, Gaudé se fait passeur sur Le Styx.

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