La théorie de l'église est connue. En deux mots,elle hait la guerre. C'est en vain que certains sophistes ont essayé d'amoindrir la grande parole du Christ:celui qui se servira de l'épée,périra par l'épée. C'est en vain qu 'ils ont atténué la portée de cette pénitence publique jadis infligée à tous ceux qui avaient pris part à une guerre.A travers de longues hésitations et après d'inévitables tâtonnements,la véritable pensée de l'église a été magnifiquement formulée par Saint Augustin,lorsqu'il a dit:Celui qui peut penser à la guerre et la supporter sans une grande douleur,celui-là a vraiment perdu le sens humain,et lorsqu'il a posé dans le monde ce grand principe,ce principe fécond :il faut subir la guerre mais vouloir la paix
Un autre axiome,encore,est celui que les pères du concile de Kiersy jetèrent,en 858,à la tête de la société féodale,encore toute jeune et farouche :Nous devons,disent-ils,faire la guerre à nos vices et la paix avec nos frères. Et d'axiome en axiome,nous arrivons ainsi à la célèbre proclamation de Léon X fit entendre au concile de Latran,en 1514:rien n'est plus pernicieux,rien n'est plus funeste à la république chrétienne que la rage inhumaine de la guerre.
Le guerrier est grand.Non parce qu'il tue.Mais parce qu'il meurt.
Ou parce qu'il sait qu'il va mourir.Et y consent.
Et ce n'est pas si simple que cela,d'accepter de mourir.
Charles Péguy
DÉDICACE
Je dédie cette oeuvre à la mémoire de Miguel Cervantes Saavedra,qui railla la chevalerie dans ses livres et fut un vrai chevalier dans sa vie ;je la dédie au plus grand des écrivains de l'Espagne et à l'un de ses plus vaillants soldats,à l'auteur de Don Quichotte,au blessé de Lépante.....
Quand recevait-on le sacrement de la Chevalerie?
Il ne s'agit point ici de l'âge du candidat, et cette question a été élucidée plus haut. Mais n'y avait-il pas certains jours qui fussent plus particulièrement réservés à ce rite solennel? Oui, certes, et nos pères, race très religieuse, choisissaient de préférence les grandes fêtes de l'année liturgique. Ils étaient assurés, ces jours-là, d'avoir autour d'eux une assistance nombreuse, un public en liesse. Les bourgeois et les vilains eux-mêmes, qui remplissaient l'église, prenaient un vif plaisir, après l'office, à assister à la « quintaine » qui terminait la fête. Les grands ne dédaignent pas, croyez-le bien, les enthousiasmes de la foule, et vont jusqu'à les rechercher un peu trop volontiers.
Parmi ces candidats à la Chevalerie, il en est qui ont subi certaines épreuves et exercé le rude métier d'écuyer ; mais ce n'est point là une condition absolument indispensable et, le plus souvent, la noblesse suffit. Il est vrai que le jeune noble ne naît pas chevalier; mais il appartient à un groupe social où, parvenus à un certain âge, tous les hommes sont armés chevaliers. L'homme de guerre fait de son fils un homme de guerre, quand le garçon est assez fort pour vêtir une armure et tenir une épée. Rien n'est plus naturel, et c'est la force des choses.
Qui peut être armé chevalier?
Nous serions volontiers tenté de répondre : Tout le monde, et ne sciions pas très loin de la vérité. De la Chevalerie on ne peut pas dire, on ne dira jamais que c'était une institution « fermée », ou, si vous l'aimez mieux, une caste. On n'en élimine rigoureusement que les infirmes, parce qu'ils ne sont pas en état de faire bonne ligure en bataille, et que toute la Chevalerie se résume vraiment en un seul mot : Se battre.