Ventremonde avait modelé l’homme et la femme originels sur ses flancs terreux. Il les avait nourris dans l’attente de les avaler une fois qu’ils auraient procréé en nombre suffisant pour apaiser sa faim.
Un jour, Masir lui avait dit que ce qui rendait la vie digne d'être vécue, c'était la curiosité. Même au seuil de la mort, celle-ci le titillait toujours.
Ne vois-tu pas la réalité d'un oeil différent ? demanda-t-il soudain. Ne sens-tu pas que le refus des vérités qu'on nous a inculquées conduisait à une nouvelle sorte de vérité ?
Le Mot était apparu deux générations auparavant. Il avait provoqué un choc profond. Pour la première fois, l'Arche – ou Alakree, ou quel que soit le nom qu'on donnait à la plante-dieu, se dit Piérig – l'Arche s'adressait à ses créatures ! Il s'inscrivait sur ses racines, ses ramées, ses limbes dont les nervures s'ordonnaient pour former la suite :
ENSEMOJNU
Piérig fit une moue sceptique en songeant à ce qui venait d'être dit. Depuis la destruction de son famil, il croyait moins aux notions à majuscule telles que la Justice ou la Vérité. Si cette dernière s'avérait incompatible avec les croyances de la jeune femme, elle ferait comme tous ses semblables : elle la travestirait.