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Critique de michfred


Pour parler de l'art de Giacometti, ses statues, ses dessins, ses portraits, il fallait le regard et la plume d'un poète.

L'approche de Genet est essentielle, parce que, au contraire de celle de Charles Juliet, il refuse à sa démarche toute linéarité, toute historicité: donc, pas de parcours biographique, toujours un peu explicatif, anecdotique et distancié. Pas de mise en perspective de l'oeuvre- avant et après l'accident de voiture, la formation, l'importance du père, de la mère, du frère...

Genet est un "frère" de Giacometti: même fulgurance du regard, même acuité de la forme, même fraternité, même richesse dans la compréhension des êtres et des objets, même refus du social, même découverte des fastes de la misère, même divinisation des êtres et des objets les plus humbles - soudain saisis hors de leur temporalité, dans leur puissance essentielle, éternelle.

Même attirance pour les clochards ivres et les putains magnifiques.

Cet "atelier d'Alberto Giacometti" illustré des belles photos noir et blanc d'Ernest Scheidegger, tisse une sorte de va-et-vient halluciné entre la contemplation des oeuvres- le chien, le chat, les têtes sculptées, les silhouettes qui marchent, les portraits...- et les bribes de conversations entre le poète et l'artiste; fait la navette entre quelques anecdotes incongrues - l'Arabe aveugle, le Japonais portraituré, les femmes du bordel- et une pensée obstinée, comme une abeille en quête de son miel, une pensée pénétrante, fulgurante qui tente d'arriver au plus près de l'art de Giacometti.

Au hasard des visites dans l'atelier de son ami, au hasard des rencontres, des mots échangés, Genet s'approche au plus près du secret de l'oeuvre - et nous le rend palpable.

Au coeur de ce qui rend sa sculpture si vivante.

"Rien n'est plus en repos. C'est peut-être que chaque angle ( fait avec le pouce de Giacometti quand il travaillait la glaise) ou courbe, ou bosse, ou crête, ou pointe déchirée du métal ne sont eux-mêmes en repos. Chacun d'eux continue à émettre la sensibilité qui les créa. Aucune pointe, arête qui découpe, déchire l'espace, n'est morte."

Au coeur de ce qui rend sa peinture si étonnamment proche.

"A mesure que je m'éloigne ( j'irai jusqu'à ouvrir la porte de la cour, sortir dans la rue, reculant à vingt ou vingt-cinq mètres) le visage avec tout son modelé m'apparaît, s'impose - selon ce phénomène déjà décrit et propre aux figures de Giacometti - vient à ma rencontre, fond sur moi et se reprécipite dans la toile d'où il partait, devient une présence, d'une réalité et d'un relief terribles."

Une leçon de regard, une empathie communicative.

Pour moi, qui adore le sculpteur et le peintre, et qui aime le poète, une petite bible à glisser dans un sac, une poche, une trousse , une source à consulter sans cesse: un grand petit livre!

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