Il faisait lourd, mais ma mère m’avait habillé comme pour la messe. Un pantalon noir, un pull qui piquait la peau, même à travers une chemise. Une vraie punition. Elle avait lacé mes souliers, toujours trop pressée pour me laisser les nouer seul. Je faisais les choses trop lentement ou trop vite. J’étais atone et bon à rien.
Ce jour-là, j’ai supposé qu’on ne pouvait pas être heureux et dyslexique en même temps.
J’ai attendu le sommeil, comme on attend un train qui n’arrive pas, seul sur le quai d’une gare hors service.
Avant le départ de ma mère, il pensait avoir raison sur tout, depuis, il n’a plus d’opinion sur rien.
Un être humain ne peut-il être qu’aimé ou abandonné ? Aucune autre issue possible, papa ? Il paraît que la
violence du monde vient de là. On invente des bouées pour en supporter l’idée, des trucs improbables, comme
l’existence de Dieu, le voyage dans le temps ou le don d’ubiquité.
A deux heures et douze minutes du matin, ils n'avaient plus rien à s'envoyer à la figure. La porte d'entrée a claqué comme la mort. La maison s'est écroulée.
Deux heures et douze minutes du matin. C'est l'instant où ils cambriolé mon coeur. Sans lui, le voyage est interminable.
Il devient furieux, m'attrape brutalement par les épaules et me secoue comme s'il pouvait en faire tomber quelque chose : une bonne note, un miracle, une pomme. Je fais le pantin désarticulé et cela l'énerve encore plus.
C'est elle qui m'achetait mes vêtements. Ils sont tous trop petits, maintenant, alors je porte uniquement ceux qui avaient une ou deux tailles de trop, il y a un an. C'est la preuve qu'un enfant grandit, même sans sa mère.