Quand Mariano a-t'il commencé à
tomber ?
Quand l'orthophoniste a annoncé à sa mère qu'il était dyslexique, et que Mariano a décelé tristesse et déception dans ses yeux ?
Quand celle-ci a quitté le domicile conjugal, sans laisser d'adresse, sans donner signe de vie ?
Ou avant, quand ses parents ont commencé à se disputer ?
Quoi qu'il en soit, il est déjà tombé bien bas au début de ce roman, alors qu'il vit seul avec un père, inspecteur de police, devenu inatteignable, prisonnier de son chagrin et de son alcoolisme.
Mariano a treize ans, un profond sentiment d'échec, une terrible culpabilité. Il est écrasé par le destin.
Sa mère est partie depuis un an, nous sommes le 5 juin 1983 et Yannick Noah va disputer la finale de
Roland Garros.
Et pour Mariano, cette finale brille comme un phare dans la brume, un phare qui indiquerait l'entrée du port, un phare comme un espoir.
En effet, Mariano n'a qu'une passion dans la vie : le sport. Que ce soit au collège ou à l'extérieur, c'est le sport qui lui permet d'exister, d'être reconnu, d'être apprécié. Alors si Yannick Noah gagne, Mariano aura le courage de parler à son père, de crever l'abcès des non-dits qui les tue peu à peu depuis un an.
Une grande partie de ce roman nous fait vivre en direct cette journée particulière. Mariano partage son désespoir, son mal de vivre : « Je venais d'avoir douze ans, j'étais un confetti. Celui qui reste au fond du paquet quand la fête est finie »
Quand Noah s'engage sur le chemin de la victoire, qu'un peu d'optimisme semble permis, il nous confie ses doutes : « Je me demande si je suis autorisé à aimer mon père et ma mère, si l'amour est obligatoirement réciproque. Si on en manque, fait-il des trous ? »
Et pour finir, il nous hurle sa détresse : « le goût rouillé de l'injustice harponne chaque cellule encore vivante de mon corps. »
La narration à la première personne nous permet de partager intensément les émotions et les souvenirs qui traversent cette journée fatidique.
Le style est concis. le découpage en paragraphes courts, bien aérés donne des respirations à ce livre mélancolique.
Et peut-être est-ce ce qui m'a gênée dans ce roman : il n'évite pas toujours le pathos. Mariano fait le point sur ses vies familiale, scolaire et sociale. Partout il a un sentiment d'échec, d'inutilité. J'aurais préféré plus de légèreté dans la forme afin que ces émotions soient davantage suggérées que martelées. J'ai lu ce livre en une seule traite car il est captivant et facile à lire, mais j'en suis sortie assommée : les trois pages optimistes de la dernière partie n'ont pas réussi à me faire sortir du plomb des 146 pages précédentes. Mail il est vrai que l'adolescence n'est pas l'âge de la demi-mesure.
Je vous conseille la lecture de ce roman intimiste. Cependant lisez-le un jour de moral au beau fixe.