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Critique de remm


remm
16 septembre 2022
J'ai découvert Maurice Genevoix avec rroû et j'ai été complètement charmé par ce roman qui déborde de sensibilité, d'humanité, de bienveillance et de vie.

J'ai ensuite lu L'animal et la mort de Charles Stepanoff dans lequel ce dernier cite à plusieurs reprises Raboliot.

C'est donc le deuxième roman que je lis de cet auteur. Ce sont exactement les mêmes thématiques que rroû qui sont abordées mais d'un autre point de vue, celui d'un humain. Rémi, un pêcheur insouciant amoureux de la Loire, de sa faune et de sa flore, se retrouve malgré lui à Orléans et ne supporte pas la vie en ville ; il délaisse sa famille et son travail, ne pouvant plus résister à l'appel presque surnaturel de son milieu d'origine.

Les premiers chapitres m'ont vraiment plu - surtout celui où se noue l'union de Rémi et Bertille ; on parle beaucoup de Maurice Genevoix comme un grand observateur de la nature et des animaux (et comme témoin important de la guerre) mais j'ai pour l'instant vu assez peu de commentaires sur son talent tout particulier à retranscrire le jeu de la séduction et tout ce que cela implique. Cela m'avait déjà beaucoup marqué dans rroû, quand le chat noir se lie à la chatte blanche, et c'est encore une fois ce qui m'a vraiment marqué dans ce roman. Quand Rémi sauve sa belle-famille de la crue et remplace symboliquement - et dans les faits, son beau-père, c'est tellement "cliché" et épique que cela en devient beau, surtout que ce début d'histoire idyllique et chevaleresque va être ensuite traîné dans la boue par les mécaniques d'aliénation qu'engendrent l'appât du gain, le progrès technique et l'industrialisation, et la vie urbaine …

Le rejet de l'urbanité et de la modernité opposées à un culte quasi mystique, charnel et animiste de la nature, des éléments, des animaux et des lieux sont des sujets très actuels. Ajoutons à cela, ce qui n'était pas abordé dans rroû, un rejet du travail à la chaîne, du monde de la petite entreprise industrielle et industrieuse qui corrompt l'artisanat, un rejet de l'argent, du lucre et du capitalisme petit bourgeois – avec les personnages tellement repoussants de Bertille et de son patron/propriétaire/amant (dont j'ai oublié le nom) – et on se retrouve avec un roman qui, je crois, parlera à bon nombre de jeunes lecteurs un brin conscientisés et sensibilisés à ces questions.

À aucun moment je ne limiterais donc Rémi des Rauches à un roman régionaliste ; il est évident que Genevoix entend aborder des sujets bien plus larges, voire universels, avec cette histoire, de la même manière qu'il l'a fait avec Rrôu d'ailleurs. (Mais je pense que cela fait en fait longtemps qu'on ne réduit plus Genevoix au régionalisme, sa panthéonisation en est en quelque sorte la preuve, je crois avoir compris qu'il avait été un peu "oublié" dans les années 1980/1990 ?)

Le personnage du Père Jude est très attachant, la relation père/fils, maître spirituel/disciple, avec Rémi qui prend sa place à la fin, est particulièrement belle.

C'est donc un peu plus convenu et académique, un peu plus roman social /naturaliste du XIXème siècle (Genevoix avait écrit une thèse ou un travail universitaire sur Maupassant), j'ai préféré rroû personnellement, ici le message m'a semblé moins subtil - la déchéance de Rémi et de Bertille est totale, le sort du père Jude m'a semblé tellement cruel qu'il en ressortait un sentiment de "trop", presque d'exagération … Peut-être aussi une dimension oeuvre de jeunesse/premières oeuvres, moins « réfléchie » mais beaucoup plus passionnel, dans laquelle l'auteur voudrait dire tout ce qu'il a sur le coeur ?

Quoi qu'il en soit, Rémi des Rauches m'a incité à faire l'acquisition de tous les autres livres de Genevoix – à part ceux sur la Grande Guerre qui, je l'avoue, m'intéressent moins. J'aime son ton à la fois distant, presque froid de naturaliste traitant les humains comme les êtres vivants qu'ils sont, mais qui arrive toutefois à émouvoir comme peu d'auteur m'ont jusqu'à maintenant ému, on a l'air d'être constamment sur le fil et je n'arrive pas encore à mettre de mot dessus. J'ai été aussi surpris, comme avec rroû, de sa tendance à pouvoir être à la fois très léger et tendre, pour ensuite partir dans des territoires très pessimistes et morbides : encore une fois, on se sent toujours dans une sorte d'équilibre, de balance, entre la vie et la mort, ressenties chacune de manière très intense.

J'ai en tout cas hâte de découvrir le reste de son oeuvre.
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