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Critique de Polomarco


C'est à partir des rares écrits d'Etty Hillesum (Journal ; Lettres de Westerbork) que Sylvie Germain nous livre ici sa belle et émouvante biographie.

Jeune juive hollandaise née en 1914, Etty Hillesum croque la vie par les deux bouts : libre, insouciante, ardente, lisant beaucoup, elle multiplie aussi les expériences amoureuses. C'est ainsi qu'elle va faire une rencontre décisive, celle de Julius Spier, un homme plus âgé qu'elle, et qui, parmi ses nombreux charismes, va lui apprendre à prononcer le nom de Dieu. Un nom que, pendant longtemps, Etty n'a pas le courage de prononcer, jusqu'au jour où elle se lance... Sylvie Germain décrit très bien cette lente maturation, suivie du pas décisif (pages 38-39). Etty Hillesum va donc successivement connaître et expérimenter les différentes facettes de l'amour : "De l'eros à la philia, un pas immense est accompli - même si ces deux versants de l'amour ne sont pas radicalement exclusifs l'un de l'autre. Mais déjà un troisième versant de l'amour se profile, nimbé d'une lumière qui irradie vers les deux autres : l'agapé, ou charité évangélique. Etty Hillesum a parcouru de fond en comble ces trois versants de l'amour au cours de sa brève existence, et en chaque domaine elle aura resplendi" (page 43).

Au camp de Westerbork, dernière étape avant le départ pour Auschwitz, Etty Hillesum continue, par-dessus tout, à aimer la vie, à aimer sa vie. Face à l'horreur qui l'entoure, elle admire les roses qui s'ouvrent dans un vase. L'auteur compare d'ailleurs Etty Hillesum à une rose (page 74). Les circonstances affectent son physique, pas son mental. Les brimades semblent ne pas l'atteindre. Grâce à une vie intérieure forte, intense, dénuée de toute haine, elle ne se sent pas humiliée : "Qui pouvait nous empêcher de mobiliser nos forces intérieures ?" (page 143). le mal et la haine semblent n'avoir pas de prise sur elle. "Elle a transfiguré le mal en bonté, en amour, en espérance" (page 150, extraite du chapitre III. B.).

Les chapitres sont un peu "touffus" et mériteraient selon moi, un découpage plus fin. Mais ils rendent bien compte de la quête qu'a menée Etty Hillesum : celle du sens de la vie, celle de Dieu. "Il m'arrive de me demander ce que tu veux bien faire de moi, mon Dieu. Mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ?" (page 193). Un itinéraire spirituel hors du commun, que l'auteur compare au parcours d'Edith Stein, et dans une moindre mesure, à celui de la jeune Anne Frank, qui ont en commun d'avoir transité par le camp de Westerbork, avant de rejoindre, par les sinistres trains, celui d'Auschwitz.

Si Etty Hillesum aimait se ressourcer auprès des poèmes et des lettres du célèbre poète allemand Rainer Maria Rilke, Sylvie Germain aime, quant à elle, citer la philosophe Simone Weil, dont le titre de l'ouvrage La pesanteur et la grâce résume à lui seul la destinée unique et tragique d'Etty Hillesum.
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