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EAN : 9782857045861
211 pages
Pygmalion-Gérard Watelet (13/05/1999)
4.43/5   28 notes
Résumé :
" Si j'aime les êtres avec tant d'ardeur, c'est qu'en chaque être j'aime une parcelle de toi, mon Dieu. " (Etty Hillesum) Il a fallu de longues années pour que le monde découvre le visage lumineux d'Etty Hillesum. Qui aurait cru, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, que cette jeune femme juive, follement éprise de la vie et en apparence insouciante, allait nous laisser en héritage l'un des témoignages les plus profonds sur le don de soi et l'amour des êtres et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est à partir des rares écrits d'Etty Hillesum (Journal ; Lettres de Westerbork) que Sylvie Germain nous livre ici sa belle et émouvante biographie.

Jeune juive hollandaise née en 1914, Etty Hillesum croque la vie par les deux bouts : libre, insouciante, ardente, lisant beaucoup, elle multiplie aussi les expériences amoureuses. C'est ainsi qu'elle va faire une rencontre décisive, celle de Julius Spier, un homme plus âgé qu'elle, et qui, parmi ses nombreux charismes, va lui apprendre à prononcer le nom de Dieu. Un nom que, pendant longtemps, Etty n'a pas le courage de prononcer, jusqu'au jour où elle se lance... Sylvie Germain décrit très bien cette lente maturation, suivie du pas décisif (pages 38-39). Etty Hillesum va donc successivement connaître et expérimenter les différentes facettes de l'amour : "De l'eros à la philia, un pas immense est accompli - même si ces deux versants de l'amour ne sont pas radicalement exclusifs l'un de l'autre. Mais déjà un troisième versant de l'amour se profile, nimbé d'une lumière qui irradie vers les deux autres : l'agapé, ou charité évangélique. Etty Hillesum a parcouru de fond en comble ces trois versants de l'amour au cours de sa brève existence, et en chaque domaine elle aura resplendi" (page 43).

Au camp de Westerbork, dernière étape avant le départ pour Auschwitz, Etty Hillesum continue, par-dessus tout, à aimer la vie, à aimer sa vie. Face à l'horreur qui l'entoure, elle admire les roses qui s'ouvrent dans un vase. L'auteur compare d'ailleurs Etty Hillesum à une rose (page 74). Les circonstances affectent son physique, pas son mental. Les brimades semblent ne pas l'atteindre. Grâce à une vie intérieure forte, intense, dénuée de toute haine, elle ne se sent pas humiliée : "Qui pouvait nous empêcher de mobiliser nos forces intérieures ?" (page 143). le mal et la haine semblent n'avoir pas de prise sur elle. "Elle a transfiguré le mal en bonté, en amour, en espérance" (page 150, extraite du chapitre III. B.).

Les chapitres sont un peu "touffus" et mériteraient selon moi, un découpage plus fin. Mais ils rendent bien compte de la quête qu'a menée Etty Hillesum : celle du sens de la vie, celle de Dieu. "Il m'arrive de me demander ce que tu veux bien faire de moi, mon Dieu. Mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ?" (page 193). Un itinéraire spirituel hors du commun, que l'auteur compare au parcours d'Edith Stein, et dans une moindre mesure, à celui de la jeune Anne Frank, qui ont en commun d'avoir transité par le camp de Westerbork, avant de rejoindre, par les sinistres trains, celui d'Auschwitz.

Si Etty Hillesum aimait se ressourcer auprès des poèmes et des lettres du célèbre poète allemand Rainer Maria Rilke, Sylvie Germain aime, quant à elle, citer la philosophe Simone Weil, dont le titre de l'ouvrage La pesanteur et la grâce résume à lui seul la destinée unique et tragique d'Etty Hillesum.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Westerbork
Le Conseil juif
     
Elle a jeté en hâte, en vrac presque, ses intuitions dans son Journal et dans ses Lettres, les ponctuant de considérations souvent bien terre à terre ; elle n’a élaboré aucune théorie, ébauché aucun système. Mais ses intuitions dignes des plus grands visionnaires de la mystique rhénane et flamande, elle les a vécues jusqu’au bout, dans sa chair et son cœur, elle les a portées à incandescence, sans faillir, sans tricher, sans jamais se désolidariser de ses contemporains. « C’est singulièrement se surestimer que de se croire trop de valeur pour partager avec les autres un ´destin de masse´ », disait-elle. Ni surestimation ni sous-estimation ; de valeur, elle s’en est accordée ni plus ni moins qu’aux autres.
La rose n’a souci d’elle-même, elle fleurit aussi bien en compagnie d’autres fleurs que parmi des herbes folles, des ronces et du chiendent.
...
La rose que contemple ici ton œil de chair
A fleuri de la sorte en Dieu dans l’éternel,
     
dit un autre distique d’Angelus Silesius.
Lorsqu ’Etty Hillesum, plongée dans « l’enfer » du Conseil juif, pensait aux roses rouges et jaunes déposées là-bas dans sa chambre, loin d’elle, elle les contemplait à mi chemin du visible et de l’invisible, au point de tangence — si mouvant, si frémissant — entre le présent et l’éternel. Et la beauté aussi humble que souveraine de ces roses contemplées au plus secret de son être ouvrait des clairières dans son cœur, des trouées de silence toujours plus vaste et plus limpide auprès desquelles tous ceux et celles qu’elle côtoyait, recrus d’angoisse, pouvaient trouver quelques instants de paix.
     
DANS LA SPIRALE, DOUBLE MOUVEMENT. Édition Points Vivre, 2017 / pp. 84-85
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Dieu : l'emploi de ce mot par Etty Hillesum dans son Journal évolue au fil des mois et des pages. De vocable assez flou et quelque peu fourre-tout, ce nom va se charger d'un sens de plus en plus dense, et infini. L'influence de Julius Spier fut certainement capitale dans cette évolution ; il l'a incitée à lire la Bible, à méditer les Confessions de saint Augustin, et fréquemment ils discutent tous deux du mystère du divin, de la foi, de la prière, lors de leurs rencontres. Il lui a dit qu'il fallait avoir "le courage de prononcer le nom de Dieu" (I, p. 91), c'est-à-dire d'oser dépasser la honte, la crainte du ridicule. Lui-même lui a avoué avoir mis très longtemps à vaincre cette peur, cette gêne.
Mais il s'agit de plus que cela : leurs réticences à prononcer le nom de Dieu ne se limitaient sûrement pas à des pudibonderies sociales ; l'un comme l'autre devaient pressentir de longue date qu'on ne peut pas parler à la légère d'un tel mystère et qu'invoquer ce nom, c'est déjà s'impliquer dans son mystère, s'y aventurer, fût-ce à tâtons, et donc s'exposer à d'arides épreuves. Chacun à sa manière, selon son propre rythme, a flâné en chemin. Puis un jour chacun a franchi le pas : le pas au-delà. Et chacun est allé jusqu'au bout (pages 38-39).
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Bien d'autres victimes firent preuve, à l'heure de leur extermination, de ce courage et de cette suprême dignité, préservant et clamant jusque dans les chambres à gaz leur sens de l'honneur et de la liberté. Ils n'avaient pas les moyens physiques d'empêcher leur propre massacre, mais ils avaient la force d'âme de défier la toute-puissance de leurs bourreaux, de leur dénier toute supériorité, et de transfigurer la cruauté du sort qui les frappait en destin assumé. Ainsi ces familles de Juifs tchèques évoquées par Filip Müller, survivant d'Auschwitz : à peine débarqués des camions devant les crématoires, les déportés furent aveuglés par des projecteurs et forcés de courir sous un déluge de coups jusque dans le vestiaire des chambres à gaz ; là, "la violence culmina quand (les gardes) voulurent les forcer à se dévêtir. Quelques-uns obéirent, une poignée seulement. La plupart refusèrent d'exécuter cet ordre. Et soudain, ce fut un chœur. Un chœur... Ils commencèrent tous à chanter. Le chant emplit le vestiaire entier, l'hymne national tchèque, puis la Hatikva retentirent". Aussi véhément que soit chez les tortionnaires le désir de briser leurs victimes, de les chosifier avant-pendant-après leur mort, il ne peut et jamais ne pourra vaincre ce mur invisible que certaines victimes élèvent entre elles et leurs assassins, - ce haut mur bâti par leur conscience, leur volonté, leur conception de la vie et de la liberté, leur foi en l'homme et (ou) en Dieu (pages 109-110).
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Etty Hillesum, qui eut l'occasion d'observer plus d'un bourreau, est parvenue à de semblables conclusions : tout homme porte en lui la possibilité du mal, voire la cruauté, le sadisme; alors, plutôt que de se précipiter à accuser les autres, il vaut mieux débusquer en soi-même ce fond commun, ce mal latent, et le combattre de front, le dénoncer à sa propre conscience avant qu'il n'entre en éruption et ne prenne de court la conscience. "Je ne vois pas d'autre issue : que chacun fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui-même tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu'il n'est déjà."
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C'est à cela qu'est parvenue Etty Hillesum : à être, à aimer, à rayonner à la manière des roses ; à diffuser la joie profonde qui l'habitait contre vents et marées, à répandre sa beauté d'être, sa bonté, ainsi que la rose le fait de son parfum, de sa brève splendeur. Sans mesure, sans arrière-pensée, dans une lumineuse insouciance (page 74)
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Sylvie Germain

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