A ce moment la rivière parla d'une voix forte et dit :
Venez à moi, venez à moi, nous allons à la mer. Venez à moi, venez à moi, ne parlez plus. Soyez avec moi maintenant. Nous allons à la mer. Venez à moi, venez à moi, car en moi vous oublierez vos errances. Tristes ou gaies. Venez à moi, venez à moi. Et vous et moi oublierons tous nos détours quand nous atteindrons le cœur de notre mère la mer.
Un homme dit à un autre :
« A la marée haute, il y a longtemps, avec un bout de mon bâton j'écrivis un vers sur le sable ; et les gens s'arrêtent encore pour me lire et font attention à ce que rien ne l'efface ».
Et l'autre homme dit :
« Et moi aussi j'écrivis un vers sur le sable, mais c'était à marée basse, et les vagues de l'immense mer l'ont effacée.
Mais dis-moi qu'avais-tu écrit ? »
Et le premier homme répondit :
« J'avais écrit ceci : "Je suis celui qui est". Mais toi, qu'avais-tu écrit ? »
Et l'autre homme répondit :
« J'avais écrit ceci : "Je ne suis qu'une goutte de ce grand océan" ».
L’âme du philosophe réside dans sa tête, l’âme du poète est dans son cœur ; l’âme du chanteur s’attarde dans sa gorge, mais l’âme de la danseuse demeure dans tout son corps.
Il n’existe pas de personne qui soit gouverneur. Seuls les gouvernés existent pour se gouverner.
La vie d’un homme est aussi lourde dans les balances de Dieu que la vie d’un autre homme.
Un jour la Beauté et le Laid se rencontrèrent sur le rivage. Et ils se dirent : « Allons nous baigner dans
la mer. » Alors ils se dévêtirent et nagèrent. Au bout d’un moment le Laid revint sur le rivage ; il s’habilla avec les vêtements de la Beauté et poursuivit son chemin. Et la Beauté sortit aussi de la mer, mais ne trouva pas ses habits ; parce qu’elle était trop timide pour rester nue, elle s’habilla avec les vêtements du Laid. Et la Beauté poursuivit son chemin. Et à compter de ce jour les hommes et les femmes prennent l’un pour l’autre.
Cependant il en est qui ont aperçu le visage de la Beauté, et ils la reconnaissent malgré ses habits. Et il en est qui connaissent le visage du Laid, et ses vêtements ne le dissimulent pas à leurs yeux.