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Critique de colimasson


Grandiose d'énergie, mais aussi effrayé par la nouvelle morale que sa santé foudroyante lui procure, Michel réunit ses anciens amis pour plaider son innocence. Il raconte son histoire et sa longue maladie, surmontée à force de confiance et de volonté, abattue comme un ennemi physiquement appréhendable. L'ennemi disparu, Michel retrouve ses forces et se sent envahi par un appétit que même son ancienne vigueur ne lui avait permis de connaître. Vivre, ce n'est plus se reposer tranquillement sur le fil d'un temps qui se déroule à notre insu : il s'agit désormais de dompter la vie comme la maladie –d'ailleurs, la vie n'est qu'une maladie appréhendée avec toutes les forces physiques et mentales de l'individu.


Michel ne veut se fixer à nul endroit mais il est contraint de se discipliner au rythme de vie plus apaisé souhaité par sa jeune femme. Séjournant en Algérie puis en Italie, il fait mine de s'installer en Normandie, puis en Suisse, mais finit irrémédiablement par souhaiter un retour en Algérie alors qu'entre-temps, la maladie a changé de camp pour frapper son épouse. Comment un individu ayant triomphé de la maladie peut-il accepter le rythme de vie languissant d'une femme affaiblie ?


« Ce qu'elle appelait le bonheur, c'est ce que j'appelais le repos, et moi je ne voulais ni ne pouvais me reposer. »


S'il n'avait pas traversé cette phase de dépression physique et mentale avant de recouvrer son énergie, Michel aurait peut-être accompagné sa femme calmement dans sa convalescence. Désormais, il n'accepte plus aucun sacrifice qui ne lui soit pas destiné. Héritier des nouvelles conceptions physiologiques de son époque, André Gide relie le corps à l'esprit, et donc à la morale : « Il me semblait avoir jusqu'à ce jour si peu senti pour tant penser, que je m'étonnais à la fin de ceci : ma sensation devenait aussi forte qu'une pensée ». L'homme nietzschéen se dresse et se prétend impitoyable, brandit sa fierté et son amour-propre à la façon d'une revanche qu'il s'agit de prendre sur les souffrances morbides surmontées : « J'ai horreur de la sympathie ; toutes les contagions s'y cachent ; on ne devrait sympathiser qu'avec les forts ».


André Gide parvient à installer authentiquement son personnage dans les contradictions de sa nouvelle morale. Ses pensées et ses idées semblent elles-mêmes issues d'un parcours similaire à celui de Michel, mais peut-être parce qu'il est encore tôt, en 1902, d'avancer un individualisme aussi impudique et cruel, l'Immoraliste se réfugie derrière une platitude rhétorique qui ne permet pas à André Gide de rejoindre l'amoralisme dansant de Nietzsche. Voilà peut-être pourquoi Michel se contente de n'être qu'un « immoraliste ».

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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