Un jour, j'arrive en moto au pied de l'immeuble. Deux vieilles discutaient. Je les entends dire : "Il paraît qu'il y a un prêtre dans l'immeuble..." Comme j'étais le seul prêtre de l'immeuble, je m'avance. Mais, avec ma dégaine : blouson de cuir, cheveux longs, je devais les effrayer ; elles me disent : "Vous pouvez pas vous écarter? Vous voyez pas que nous causons?" J'insiste : "Il me semble que vous parliez d'un prêtre... - Monsieur, je vous en prie! - Ecoutez, madame, c'est moi le prêtre de cet immeuble." Alors, une des deux vieilles, qui avait de l'esprit, rétorque : "Eh bien, moi je suis la Sainte Vierge!" Comme elle était un peu ridée, je lui ai répondu : "Tiens, je ne la voyais pas comme ça!" Le lendemain, elle frappait à ma porte pour s'excuser. Elle avait été trouver le curé de la paroisse en disant : "Il y a un type à moitié timbré qui se prend pour un prêtre...
- Mais c'en est un vrai!" a répondu le curé.
Paris. Dix-neuvième arrondissement :
Réunion avec une vingtaine de gars. Depuis quelque temps, l'un d'entre eux, un chef de bande, me marque une hostilité certaine. Soudain, il se met à m'insulter violemment, de façon délibérément grossière et offensante. Tout de suite, je sens que les autres attendent ma réponse. je n'ai pas envie de frapper, mais je sais que je dois le faire : c'est le seul langage possible. Nous nous empoignons. L'animateur de la réunion nous met dehors : "Allez vous battre ailleurs!"
C'est très impressionnant ce qu'ils mettent sur leurs tatouages : souvent "E D M", enfant du malheur...C'est en prison que les gars se font tatouer: parce que là, leur peau représente les seuls centimètres carrés de liberté qui leur restent. Et que les tatouages, c'est tout un langage, c'et un code. (Ed. Stock, 1978)
C'est encore les rapprocher des autres, les aider à communiquer, à combler le fossé qui sépare jeunes et adultes, mettre un frein à tout ce qui peut exclure et marginaliser. Mains nues dans la rue, nous n'avons pour lutter que cette force : la certitude que ces jeunes laissés pour compte sont des hommes à part entière et qu'il faut les traiter comme tels. (Editions Stock, 1978, p.59-60)
Face aux manques affectifs graves qu'ils ont connus presque tous, ils cherchent autour d'eux des gens qui s'aiment, qui n'ont pas peur d'avoir tout misé sur la fidélité à une parole donnée. (Ed. stock, 1978, p. 107)
Ceux qui connaissent bien ce monde des marginaux savent. Ils savent que cette violence cache des enfances manquées, parfois terrifiantes, où les coups et les cris ont été le pain quotidien. (p.43-44 / éd. Stock, 1978)