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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avant toutes choses, je dois vous avouer une chose : j'ai détesté mes cours de philosophie en terminale, et ce dégoût de la discipline m'est resté depuis. Pourtant, Peter Godfrey-Smith avec le prince des profondeurs – l'intelligence exceptionnelle des poulpes m'a presque réconciliée avec la philosophie.
Il faut dire que le livre n'est pas vendu comme un ouvrage philosophique à moins d'aller chercher sur le verso, sous la bannière bleue annonçant une préface de Jean-Claude Ameisen, la mention « Peter Godfrey-Smith est professeur d'histoire et de philosophie des sciences à l'université de Sydney. » D'autant qu'il part de sa propre expérience — des plongées répétées sur le site d'Octopolis — pour nous amener sur le terrain des idées. Avec le prince des profondeurs, Peter Godfrey-Smith m'a piégée. Je comptais lire un documentaire sur l'intelligence des céphalopodes aux lumières des dernières découvertes scientifiques, histoire d'en savoir un peu plus sur les animaux qui ont inspiré Cthulhu à H.P. Lovecraft et d'autres récits horrifiques dont je suis friande. Et je me suis retrouvée embarquée dans une grande épopée sur l'apparition de l'intelligence dans le monde vivant. le tout entrecoupé d'interrogations sur ce que c'est l'intelligence, la conscience de soi et le rôle du dialogue intérieur et du langage dans le développement de l'intelligence. Loin de se contenter de comparer les poulpes, les seiches et les humains, Peter Godfrey-Smith repart aux tout débuts de la vie animale au moment où certains organismes unicellulaires se sont regroupés pour former un amas de cellules, et explique les différents mécanismes qui ont peu à peu abouti à la création d'un système nerveux organisé de façon totalement différente entre les céphalopodes et les vertébrés. Il tente également de comprendre ce que ces différences d'organisations et les modes de vie très différents impliquent pour le développement d'une intelligence et d'une forme de conscience, mais également sur les limites de la reconnaissance mutuelle de cette intelligence entre les espèces.
Si le fait de lire un ouvrage scientifique ou philosophique pour le plaisir peut vous sembler rébarbatif, détrompez-vous. le style de Peter Godfrey-Smith est très clair, largement accessible et bien rythmé. L'auteur émaille ses explications de schémas semblables à des dessins d'enfant ou à des idées griffonnées sur un coin de table comme s'il nous parlait autour d'un café. Et il les entrecoupe de photos prises sur le site d'Octopolis et ailleurs dans ses plongées. La présence de ces supports visuels est un vrai plus humoristique pour entrer dans le bain de ce livre, finalement plutôt court.
Lien : https://www.outrelivres.fr/l..
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Peter Godfrey-Smith (professeur d'histoire et de philosophie des sciences à l'université de Sydney) signe avec le Prince des Profondeurs un essai extrêmement bien documenté, foisonnant et très original. C'est à l'occasion d'une plongée sous-marine dont l'auteur est particulièrement friand que son regard va croiser celui d'une seiche géante. A partir de ce moment séminal va se poser toute une série de questions pour le scientifique : quel est le niveau d'intelligence de cette espèce ? Peut-on seulement comparer nos intelligences si différentes dont les buts ne sont pas les mêmes? A quel moment de l'évolution nos chemins se sont-ils séparés ? Ce ne sont là que quelques esquisses de questionnements que le livre soulève.
A l'aide d'une multitude de rencontres et de sources différentes, Peter Godfrey-Smith va construire un essai philosophiquement étonnant et intellectuellement très stimulant, à la lecture toujours fluide et compréhensible, même pour les personnes comme moi qui n'ont que des connaissances basiques en biologie. A partir de l'étude des céphalopodes, l'auteur va en creux nous interroger sur notre propre intelligence, notre façon de penser et notre relation à l'écosystème. Et ce qui est le plus remarquable, contrairement à nombre d'ouvrages actuels, c'est que l'auteur, dans un pur esprit scientifique, n'apporte pas de réponses toutes faites ! Il soulève des problématiques, rassemble ses connaissances et sa documentation, émet des hypothèses qui à leur tour soulèvent de nouveaux questionnements !
Lien : https://cestarrivepresdechez..
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Parsémé d'anedectotes drôles et étonnantes ce petit livre (300 pages, sans les illustrations) est un condensé d'intelligence, garanti pas son auteur, plus philosophe que scientifique.
Beaucoup des observations et réflexions sur le pourquoi de ce gros cerveau, sur l'originalité de la vie des poulpes (et des seiches), restent sans réponses et ouvrent des perspectives sur cette famille d'animaux étonnants.
La encore (je pense à l'intelligence des plantes) tout est est à explorer et le champ de recherche est énormes, et nous (homo sapiens) devrons quitter nos préjugés et nos réflexes pour véritablement comprendre ce qui se passe chez les poulpes.
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Dans le midi, quand on veut désigner un individu aux traits disgracieux, on peut l'appeler "face de poulpe". C'est une expression courante que l'on peut entendre régulièrement sur la Canebiere à Marseille ou sur la place de la Comédie à Montpellier. Quoi qu'il en soit, mes camarades de classe m'appelaient comme ça. Je n'ai jamais su si c'était un petit surnom affectueux et amical ou si c'était pour se moquer de ma trogne... jusqu'à aujourd'hui.

Ce livre m'a permis de répondre à cette question presque quarante ans après ces événements : les poulpes sont très intelligents et en plus ils sont magnifiques.

Merci Peter Godfrey-Smith, vous m'avez sauvé la face (de poulpe).

Alors, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas tout compris aux résultats des nombreuses études présentées dans ce livre mi-scientifique, mi-philosophique. J'ai retenu néanmoins trois choses qui me semblent principales.

La première, c'est que l'ancêtre commun avec nous les humains remonte à fort fort longtemps et qu'en gros, nous n'avons pas grand chose à voir avec les poulpes. Dit comme ça, ça n'a pas l'air d'être une nouvelle révolutionnaire mais en fait, ça l'est. Il est assez extraordinaire de constater que deux formes d'intelligence aussi différentes ont pu se développer de manière parallèle et indépendante pendant le processus d'évolution des espèces. Comme l'auteur le précise, on cherche des intelligences extraterrestres partout dans l'univers alors qu'il suffit d'aller farfouiller dans les océans.

La deuxième chose que j'ai retenue, c'est que les poulpes ont un système nerveux bien différent du notre. Chez nous, le cerveau est l'unité centrale de la machine et commande l'ensemble des actions réalisées par le corps via un réseau de nerfs qui font transiter l'information. Chez les poulpes, il y a plusieurs "cerveaux" : le cerveau principal d'une part et les tentacules ventousées qui sont pleines de neurones également. de ce fait, il est possible que le poulpe fasse des gestes volontaires sans que le cerveau principal dans la tête ne soit au courant : "le poulpe peut contempler certains des mouvements de ses bras comme s'il était un spectateur."

C'est absolument fascinant. C'est comme si une partie de mon corps pouvait bouger sans que mon cerveau ne puisse contrôler le mouvement. Et c'est là que je me suis dit que je méritais peut être mon surnom de face de poulpe car, à bien y réfléchir, j'ai peut-être identifié un certain membre qui peut parfois s'activer sans que mon cerveau lui ait commandé de le faire. Il arrive même régulièrement que ce soit l'inverse qui se produise : mon tentacule inter-jambal reste parfois désespérément flasque alors que mon cerveau est au taquet. Je suis un poulpe.

La troisième information principale est la capacité des poulpes à changer de couleur pour s'adapter à l'environnement soit pour chasser, soit pour se cacher des prédateurs. Comme les caméléons. Et vu qu'ils n'ont pas de coquille ou d'os, ils peuvent, tel un blob, prendre des formes diverses et variées. Et cette capacité à changer de couleur telle que racontée est bluffante. L'inventivité qu'ils mettent dans les stratégies pour se cacher est la pieuvre que ces bestioles ne sont pas les couteaux les moins affûtés du tiroir.

Mais ce n'est pas tout. En discutant avec des amis, j'ai appris qu'il y avait un documentaire Netflix appelée "la sagesse de la pieuvre" ("my octopus teatcher" en anglais) et que même, il paraîtrait que c'est bien. Perso, j'aurais bien proposé "poulpe fiction" comme nom de film, mais bon ...

Donc, pour rester dans le thème, j'ai proposé à ma femme et à mes enfants de le regarder avec moi. Vraisemblablement, la vie des pieuvres ne les motivait pas plus que ça. On le regardera quand les poulpes auront des dents, m'ont-ils répondu, l'air hilare.

Mais il en faut plus pour décourager mes pulsions cephalopodophiles. En voiture Simone pour regarder en solo ce documentaire d'une heure et faire d'une pieuvre deux coups dans cette chronique.

Je passerai sur la beauté des images et des couleurs (notamment celles des poulpes, leur capacité à se camoufler est stupéfiante, un coup, elle se change en rocher, un coup elle se fond dans un amas de coquillages) car, même si cela ne gâche rien, l'essentiel n'est pas là.

Ce documentaire, tourné en Afrique du Sud, raconte l'histoire vraie de Craig Foster.
Craig est un père de famille un peu paumé, en pleine crise de la quarantaine. Il se décide de faire de la plongée sous-marine en apnée dans une forêt de varech (des algues marines) dans laquelle fourmille une population de bestioles marines particulièrement dense et variée. Mais soudain, il se retrouve face à face avec un poulpe femelle. Cette rencontre improbable va changer sa vie, surtout quand la sus-dite poulpe va tendre délicatement un tentacule pour toucher la main de Craig. Il va s'en suivre une histoire d'amitié qui va le bouleverser et il va décider d'y retourner tous les jours pour suivre et filmer la vie de sa nouvelle amie, qu'on appelera Ginette pour aider à la compréhension.

Il découvrira que sa copine Ginette possède une qualité que peu d'humains ont : la curiosité. Elle possède aussi une sensibilité et une intelligence rare pour se défendre, se nourrir, se soigner ou mettre au monde des petits poulpeaux (pas sûr que ce mot existe). Il lui découvrira également une capacité et une vitesse d'apprentissage et d'aptation hors du commun. Ginette s'est montrée capable d'apprendre de ses erreurs, par exemple quand une stratégie de chasse ne fonctionne pas ou de faire tourner en bourrique un requin qui cherchait à la croquer. En même temps, c'est nécessaire étant donné la faible espérance de vie (1 à 2 ans max), les femelles poulpes meurent généralement après avoir couvé les oeufs, la période de couvaison pouvant durer plusieurs mois, soit une grande partie de sa vie.

Autant dire que le reste du temps, les poulpes ont bien le droit de s'amuser un peu.

Live fast, die young !
C'est la devise des rocks stars.
C'est également celle des poulpes.

scob
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Les deux premiers chapitres sentent le passage obligé : un étayage de connaissances de base pour appuyer la suite sur un ton qui se veut ludique et accessible. Peter Godfrey-Smith s'appuie sur l'image de l'arbre phylogénétique constitué de racines et de branches qui partent vers le ciel. C'est étonnant car il y a aujourd'hui des représentations sous forme de buisson sphérique composé de trois branches s'épanouissant à partir d'un centre qui sont beaucoup plus intéressantes, intellectuellement stimulantes et représentatives du foisonnement de la vie. Elles évitent toute idée de hiérarchisation, de supériorité de l'homme ou d'une croissance qui tendrait vers un but.

"Tous les animaux qui ressentent ne sont pas forcément conscients." (147)

La vie surgit au troisième chapitre. L'attention fraternelle que Peter Godfrey-Smith porte aux poulpes et aux seiches, "cette sensation d'implication mutuelle qu'ils vous procurent", donne tout de suite beaucoup de chaleur à son écriture. Récits, réflexions philosophiques et connaissances scientifiques alternent avec bonheur. Il nous invite à faire de la plongée et à réfléchir avec lui en compagnie de ces êtres dont le "corps est à la fois partout et nulle part" et dont le "bavardage chromatique continuel" ne s'adresse - la plupart du temps - à personne. Sa pensée progresse au fil de questions et d'hypothèses tout en restant ouverte. J'ai pris plaisir à me laisser guider dans cette exploration de la sentience et de la conscience, de la pensée complexe hors langage, domaines riches de possible et touchant aux fondements de l'existence.

"Le discours intérieur peut prendre une telle place qu'il en devient envahissant chez certaines personnes, qui ont recours à la méditation pour faire taire ce bavardage continuel." (227)

"Peut-être que les formes de pensée consciente les plus vivantes sont celles durant lesquelles nous portons l'attention sur nos propres processus de pensée, y réfléchissons et les expérimentons comme les nôtres." (231)

Je trouve cependant qu'il passe à côté de deux pistes. D'une part, la méditation comme champ d'expérimentation direct de la conscience. D'autre part, la possibilité d'une conscience qui ne soit pas exclusivement individuelle. Nombre d'êtres vivants ne se conçoivent pas comme des entités séparées, même si leur unité corporelle en donne l'impression. Les recherches sur le cerveau et la génétique ont à ce sujet des choses à nous dire.

"Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais ne je ne puis observer autre chose que la perception." [David Hume] (211)

David Hume aurait pu aller plus loin dans son observation s'il avait pratiqué la méditation (dite de pleine conscience, par exemple), qui consiste à identifier, observer et laisser passer les phénomènes qui se manifestent dans l'esprit sans jugement et surtout sans saisie. Une expérience qui remet en cause la question d'un "soi-même" permanent et localisable, effectivement, mais qui peut aussi s'ouvrir sur une conscience d'être au-delà du cadre de l'identité, qui transcende la construction mentale et émotionnelle de notre personne. David Godfrey-Smith reste cantonné à une vision utilitaire et fonctionnelle et écarte trop facilement la possibilité d'une conscience du vide, du rien, d'une conscience impersonnelle et originelle qui ne nous appartient pas et nous rend fondamentalement vivants.

[Lu dans le cadre des fabuleuses masses critiques]

Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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