Démêler quand, à quel point, comment, le Pinturicchio a cédé à l'influence de tel ou tel contemporain est d'autant plus difficile, au reste, que, ainsi que le constate Vasari, il s'aidait de collaborateurs, de provenance évidemment diverse, dans l'exécution des cycles décoratifs élaborés par lui. Dès lors, qu'est-ce qui y est de la main du maître, de celle des élèves? La question se pose, chaque fois, et on ne s'étonnera pas que les réponses soient contradictoires. Au fond, l'ordonnateur est toujours le Pinturicchio : c'est lui qui a pensé, conçu, dessiné, et ses compagnons n'ont été que les agents matériels de sa pensée, chargés de reporter les images des cartons dans la fresque ou, seulement, d'achever les parties de celle-ci laissées incomplètes par le capo maestro.
Le Pinturiccliio s'est représenté ainsi lui-même en plusieurs de ses fresques, parmi les spectateurs de la scène qu'il peignait, mais à S. Maria Maggiore, de Spello, satisfait particulièrement, sans doute, et à juste titre, de la belle décoration de la chapelle Baglioni, il a placé son portrait, isolément, sur une des parois, comme une parlante et fière signature. Elle est d'aspect plutôt sombre, cette effigie. H y a de la tristesse et des sillons d'amertume sur le visage vieillissant de cet évocateur somptueux et charmé de la vie ; de l'incertitude et comme du regret dans les yeux pâles de cet artiste favorisé, au delà de son mérite, selon le sentiment de Vasari, par le succès et l'aveugle Fortune ; on ne sait quoi de souffrant, de fermé et, à la fois, d'opiniâtre...
Son art, fait de facilité élégante et de séduction, improvisateur, lui avait acquis rapidement vogue et renommée au déclin de ce siècle, puissant, d'abord, dans la beauté par les vertus régénérantes du réalisme, qui, las d'avoir tant entrepris, édifié, détruit, doutait, à présent, de lui-même et ne cherchait plus que la jouissance et l'éclat.
Le Pinturicchio fut, sans doute, plus ou moins utilisé par les Borgia, jusqu'aux approches de la fin de leur règne; dans une lettre, en date de l'an 1500, César parle de lui comme d'un homme à son service. Mais les grands travaux qu'il avait eu à exécuter étant terminés, il avait pu se consacrer à des ouvrages moins considérables, peindre des tableaux d'autel, s'éloigner de Rome pour se rendre en Ombrie ou ailleurs. En 1497, par exemple, nous le trouvons à Spolète, peignant dans le Dôme, où brillaient déjà les admirables fresques de Filippo Lippi, des figures du Père Éternel, de la Vierge, etc., presque réduites à rien, aujourd'hui.
L'antiquité gagne, mais principalement dans les lettres et, davantage encore, dans la licence des moeurs, dans l'extraordinaire épanouissement de la vie sensuelle. Elle est à la mode, décidément, car il n'est pas jusqu'aux courtisanes romaines qui ne se parent de noms illustres : Portia, Cassandre, Penthésilée !... Les artistes, eux, ceux du marbre et ceux de la couleur, ces derniers surtout, n'ont, à cette heure-là, été touchés que superficiellement par la contagion.