Ces bals Berthelemot, ces billets drolatiques, ces costumes claquants sont des années 1836 et 1837, années où commence à paraître dans l'oeuvre de Gavarni une première image du carnaval, mais un carnaval paraissant descendre de la Courtille, sentir le corps de garde, la joie mauvais genre, avec, au bas, un texte cru qui n'a rien de la profondeur sans brutalité du verbe, rien de cette pointe de philosophie à la Rochefoucauld que contiendra , dans les suites futures de son carnaval, le littéraire engueulement de sa satire.
" Balzac est tout là " , disait Gavarni, qui nous racontait ainsi l'impression qu'il avait éprouvée la première fois qu il l'avait vu. C'était à la Mode : il vit un petit homme gros , avec de très jolis yeux noirs, un nez retroussé et un petit peu cassé, parlant beaucoup et très-fort. Il le prit pour un commis en librairie : c'était Balzac.
Il est, on le voit, déjà tout préoccupé des recettes et des secrets si bornés du métier lithographique, ambitieux d'agrandir le procédé naissant, de lui donner la puissance et la douceur par des essais de l'estompe en liège mêlés à un travail au crayon, à la plume, à l'aiguille, à divers grattoirs.
Un curieux cahier de notes et de pensées, commençant au mois de mars 1826 et allant jusqu'à la fin de son séjour aux Pyrénées, est une véritable révélation sur le bouillonnement de ce cerveau, de cette tête et de cette imagination. Il semble que se lèvent et germent en lui toutes les conceptions de ses travaux futurs. C'est dans ces pages comme une naissance vague, mais déjà formulée, de tout ce que sera et de tout ce que fera plus tard l'homme, l'artiste, le savant ; on y trouve un pêle-mêle de vers, de rêvasseries sur les molécules de la nature, des indications de fantaisies littéraires,...
La mode était alors à ce qu'on appelait de ce mot expressif : des dépliants, de longues bandes de papier pliées dans un cartonnage. Le vrai début lithographique de Gavarni fut donc un dépliant, dont peut-être n'existe-t-il plus, à l'heure qu'il est, que l'exemplaire de dépôt conservé à la Bibliothèque nationale.
Gavarni, en effet, fut toujours très-écrivassier de ses impressions, de ses sensations , de ses aventures psychologiques , et, sauf les dernières années de sa vieillesse, où le philosophe ne formule plus sur ses journaux que des pensées , toute sa vie , il l'a écrite.