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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ne vous êtes-vous jamais arrêtés quelques instants devant ces centres sociaux, annexes de MJC, locaux miteux d'une amicale ou d'un foyer quelconque loin des centres villes, où gravite dans l'oisiveté et l'hébétude tout un assortiment de pochetrons, clochards, femmes à la voix forte et au visage marqué, ex-taulards, jeunes ferments de délinquance sans repères et déscolarisés depuis toujours, naufragés SDF en déshérence, drogués en éternelle pseudo rémission, où l'on entend ces pauvres diables se quereller pour une cigarette ou un fond de bouteille à l'hygiène discutable, se bastonner pour un mot mal dit ou mal perçu, rire grassement à une blague au goût douteux, refaire le monde et la politique avec parfois une étonnante lucidité et force jurons, où l'on voit des vêtements de sport à l'ancienne mode, des bouches édentées, des cheveux hirsutes, des rides profondes, des rougeurs faciales inaccoutumées avec une odeur aussi prégnante et tenace que la misère et, non loin, parfois même au milieu d'eux, un cimetière de canettes de bières jonchées ou fracassées auréolé d'une grosse flaque d'urine ?

Et bien « Les bas-fonds » de Maxime Gorki, c'est ça ! Il nous raconte avec un saisissant réalisme cette ambiance-là. Ce n'est donc pas forcément hyper sexy à lire car c'est intriqué, c'est dérangeant, car une part de nous-même s'y sent mal à l'aise, s'y sent responsable de quelque chose. On sait bien qu'on a tous détourné la tête en passant devant ces repaires peu engageants et fermé les yeux sur le drame humain qui se joue là, tout près de nous.

On est plongé au milieu de ce brouhaha, de ce va-et-vient incessant au fond de cette tanière, de cette misère criante, financière et morale, de cette violence et rudesse tant verbale que sentimentale. Quand on n'a pas le sou, la considération ni le moindre espoir à l'horizon, on est trop bas pour l'empathie, trop bas pour pouvoir encore s'apitoyer sur celle qui meurt auprès de vous, à une longueur de bras.

Gorki nous sert des femmes, tour à tour ou tout en même temps, battues, mourantes, jalouses, aigres plus que douces, désespérées malgré leur jeunesse ; des hommes jeunes ou vieux, abîmés par l'alcool et la promiscuité, rendus mesquins, mauvais ou insensibles par l'âpreté de leur existence, déchus pour certains, l'un est un ancien acteur, l'autre un ancien baron, d'autres sont d'anciens prisonniers, tous naufragés au creux de cet asile de fortune qui termine de leur écumer leurs derniers kopecks comme leurs ultimes espérances.

Au milieu de cette vie présentée comme un corridor sombre et sans issue d'où la mort seule peut représenter une perspective d'arrêt de la souffrance, le personnage de Louka, sorte de vieux vagabond à tendance messianique représente encore la seule partie comestible derrière tous ces fruits pourris de l'humanité. Dans son sillage, il plante quelques graines fécondes, mais arriveront-elles à germer parmi toutes ces mauvaises herbes ? Combien de temps les semences résisteront-elles aux intempéries ?

Ils vont, ils viennent, comme la marée, au milieu des petits drames minuscules du quotidien, de temps à autres, c'est la vive-eau, l'amplitude du drame est supérieure, quelqu'un y aura sûrement laissé sa vie, personne ne le pleurera, on y pensera encore quelques jours, puis on boira beaucoup de vodka pour oublier, puis, la vodka aidant, on se chamaillera, de nouveaux petits drames se produiront, jusqu'au prochain gros…

On peut penser sans crainte que l'auteur, pour écrire cette pièce, s'est fortement inspiré de la pièce en un acte d'Anton Tchékhov intitulée Sur La Grand-Route. La filiation semble tout à fait évidente et Gorki reprend et enrichit le jeune plan que Tchékhov a semé.

Il y a également dans cette pièce un fort relent de l'Assommoir. Tandis qu'Émile Zola s'attachait à montrer la lente et inéluctable descente aux enfers de Gervaise et de ses proches, Maxime Gorki, lui, nous les montre tous au dernier stade de cette descente, avec tous des parcours divers mais ayant en commun un obstacle qui les a fait trébucher et la vie s'est occupée à les empêcher de se relever.

Pourtant, comme pour la Gervaise Coupeau de l'Assommoir, on sent qu'il s'en faudrait parfois d'un cheveu pour que les êtres dévoyés retournent sur leurs rails, un coup de pouce un peu plus appuyé ou qui viendrait au bon moment, mais non, rien n'y fait, on reste dans les bas-fonds, englué, à patauger dans la fange jusqu'à l'ultime soupir.

Cette oeuvre est forte et bien écrite et il faut saluer la prouesse de traduction de Génia Cannac qui parvient à restituer toute sa force et sa verdeur au texte en français. J'ai seulement souffert à la lecture du grand nombre de personnages avec des interventions brèves, croisées et multiples qui obligent à tout de même se cramponner durant au moins les deux premiers actes.

C'est pourquoi j'en viens à penser que c'est une pièce probablement beaucoup plus sympa à voir qu'à lire, un discours que je ne tiens pas souvent, vous me l'accorderez. C'est normal, me direz-vous, puisque c'est l'essence même du théâtre et qu'elle a justement été écrite pour être montée sur scène (d'ailleurs j'ai maintenant très envie de voir cette pièce).

Néanmoins c'est sur le livre que je poste un avis et donc les sensations de lecture comptent également, même si j'ai bien conscience que ce n'est là que mon avis, lui aussi proche des bas-fonds, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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« Une cave qui ressemble à une grotte », dont la location ne laisse à ses miséreux pensionnaires que quelques kopeks pour boire, jouer aux cartes, manger un peu...

Maxime Gorki rassemble dans cette pièce une dizaine de laissés pour compte. Louka, un vieux 'pélerin' se joint bientôt à eux, sa parole est sage et bienveillante, il sait apaiser les âmes tourmentées - cette jeune femme qui se meurt, cette autre qui crève de solitude, d'ennui et rêve d'amour, cet ancien acteur dont 'l'organisme est complètement empoisonné par l'alcool'.
Grâce à Louka notamment, ou au gré de querelles entre ivrognes et amants qui se déchirent, chacun dévoile peu à peu ses aspirations, ses désillusions, et la trajectoire qui l'a mené dans ces 'bas-fonds'.

Ecrite en 1902, cette pièce est particulièrement d'actualité, évoquant les réfugiés, les SDF, la précarisation. Maxime Gorki y soulève des questions politiques, sociologiques et philosophiques passionnantes sur les inégalités, la pauvreté et la place dans la société des plus démunis, l'honnêteté, le travail, la façon dont le regard des autres nous façonne...
Avec en toile de (bas) fond(s), malgré les messages d'espoir, la vision de l'auteur sur la vie et l'amour, aussi froide et sombre qu'un hiver en Sibérie...

J'ai lu cette pièce quelques jours après avoir vu au théâtre l'adaptation d'Eric Lacascade*. J'avais hâte de retrouver certaines répliques de génie, pour prendre le temps de m'y arrêter. J'aurais dû attendre d'avoir un peu oublié cette mise en scène 'barbare et folle', comme le dit fort à propos Télérama. Trop barbare, trop folle pour moi, je crois - la misère et les souffrances évoquées dans le texte sont suffisamment éloquentes, j'aurais préféré un habillage plus sobre...

* entretien avec le metteur en scène
https://www.youtube.com/watch?v=NioukqnCRKQ
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C'est à travers Les bas-fonds et par hasard que je découvre Maxime Gorki... La lecture de cette pièce est un véritable délice... Personnages vivants et tendus vers une existence qui se déploie dans et vers une radicale authenticité...
Disputes, bagarres, rapprochements, alcool, délires, réflexions philosophiques et existentielles, questionnements qui vont des personnages au lecteur.... Une courte pièce que j'aimerais désormais voir jouée...

Au fond des bas-fonds, des êtres qui finalement n'ont peut-être de la folie que le nom...
Au fond, des élans humanistes et généreux, et la vision d'un homme meilleur à construire...
Les bas-fonds : une société qui n'a de cesse de lutter pour une reconnaissance des Sans...

"Kostylev : Bon... Il paraît que tu t'en vas ?
Louka : Il est temps...
Kostylev : Et où donc ?
Louka : Où mes yeux me mèneront...
Kostylev : Cela veut dire que tu vas vagabonder. Il faut croire que tu n'aimes pas rester au même endroit ?
Louka : On dit comme ça : "L'eau ne coule pas sous une pierre immobile."
Kostylev : Ça va pour la pierre. Mais l'homme, lui, doit rester au même endroit. Les hommes ne sont pas des cafards pour s'égailler dans tous les sens... Il faut qu'u home se fixe quelque part, au lieu de vagabonder sans but, par-ci par-là.
Louka : Et celui dont la place est partout ?"
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Les bas-fonds de Maxime Gorki
Pièce en quatre actes.
L'action commence dans une cave, un garni, plusieurs personnes sont là, respirant des vapeurs d'essence, il y a l'Acteur, assis sur un poêle, le Baron, qui connut des jours meilleurs, Kvachnia qui vend des beignets, Anna, épuisée, maltraitée par son mari Kletch, ouvrier qui attend qu'elle meure. Nastia lit un roman abîmé, Boubnov essaye de modifier un pantalon usé pour en faire une casquette, d'autres passent, entrent et sortent. le propriétaire qui gère les lieux est un vieil avare, Kostylev, aidé de sa jeune femme Vassilissa. On s'invective beaucoup, on se moque, il faut faire le ménage. Arrive Louka, un pèlerin, un passant qui a des paroles chaleureuses pour chacun, accompagné de Natacha, la soeur de Vassillissa mais il ne semble pas avoir de papiers en règle. Pepel, lui, a un bat-flanc. Plusieurs veulent se soûler. On joue aux cartes, aux dames, on picole et puis il y a une histoire d'amour, une histoire de haine, de tromperie, on négocie…

Dans une Russie en effervescence, on est en 1902 quand Gorki écrit cette pièce, des déshérités, des déclassés aux parcours chaotiques survivent dans un taudis qui leur est néanmoins indispensable. Ils sont en guerre avec le propriétaire mais hélas entre eux également, la misère n'engendre pas la solidarité. Les dialogues sont hachés, sans logique, l'invective est la base de leurs discussions. Une pièce forte, intense.
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" L'homme ! C'est magnifique! Cela sonne... fier ! L'homme ! Il faut respecter l'homme !
Ne pas en avoir pitié... ne pas l'abaisser par la pitié... il faut le respecter. " Gorki ( l'amer) écrit " les bas-fonds"en 1902. elle sera jouée la même année et rencontra le succès .Quinze ans plus tard le tsarisme était renversé.
Dans toute misère il y a l'inhumanité. Dans tout miséreux il y un homme. Et c'est sans doute le regard vrai, juste, proche de Gorki qui nous permet d'y voir un peu mieux dans cet asile où se vivent toutes formes d'abandon : Alcool, chômage, maladie,prostitution, jeux, violence, religion etc.. " Toutes les âmes sont grises...Tout homme veut y mettre un peu de fard". Il suffit d'une lumière incarnée dans la parole du vieux Louka pour que les les âmes retrouvent l'espoir. Les bas-fonds ne sont pas un lieu de résidence mais un lieu d'errance. Nulle liberté y réside. Mais la fatalité aime s'y installer et faire mentir les hommes.
C'est d'abord par sa volonté et sa seule volonté que l'homme doit sortir des bas-fonds.
Il faut que les hommes prennent conscience de leur naufrage pour qu'ils trouvent la force de rejoindre le rivage. Une vision qui appelle toujours l'éveil.

Astrid SHRIQUI GARAIN
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Certainement un de ses meilleurs ouvrages, largement au dessus du lot, qui lui valut en tant qu'écrivain ses lettres de noblesse. A mon sens le plus achevé.

Ces pauvres bougres dans des habits variés mis en scène ne semblent mus que par le néant, qu'est-ce qui les retient à la vie : on se le demande. comme les ombres de la mort. Leur issue est improbable : le crime, le suicide, l'ivrognerie. Alors dans ces conditions, que veut montrer l'auteur : ce qu'il a connu ? du pire, il n'y a pas pire ? Suffirait-il de presque rien pour qu'ils échappassent à la mort, non je pense malgré tout que c'est un hymne à l'humanité. Cette souffrance humaine, il faut l'entendre, elle est la mauvaise conscience de ceux qui ont plus de chance ..

En écrivant sur Gorki, je pensais à Georges Rouault le peintre que j'ai posté hier, à ces figures humaines, ces ombres torturées ; Je ne sais pas comment on les habille jsur scène, mais Georges Rouault les voyait tout en couleurs et il se pourrait bien qu'il voulait ainsi mieux les renvoyer à notre propre conscience. On sait que les vivants portent des vêtements de couleurs vives et joyeuses. On sait aussi que Rouault avait la foi, alors que Gorki misait sur l'absence de foi, si ce n'est la foi en l'homme ?..Ce dernier chercha pourtant plus tard une sortie dans une forme de spiritualité socialiste. Lénine qui ne mangeait pas de ce pain là le lui reprocha.
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Théâtre de violence, de misère et de paradoxale gaîté, Les Bas-fonds regorgent de personnages désespérés et rêveurs, cogneurs, alcooliques et philosophes.

Faut-il regarder la vérité en face ou la fuir pour un monde meilleur ? Certains ont abandonné le combat, d'autres songent encore à des amours impossibles, à un passé glorieux, à une mort tranquille. Leurs paroles enchevêtrées, leur polyphonie grinçante, les éloignent et les collent les uns aux autres, emprisonnés qu'ils sont dans leur crasse et les bribes de chansons qu'ils se fredonnent pour faire comme si. Comme si, quoi ? Ils l'ignorent. Ils ne sont pas philosophes jusqu'au bout, ils n'en ont pas les moyens. Alors ils vivent et ils meurent comme ils peuvent, dans la violence, dans la misère, parfois dans la joie.
Lien : http://www.lie-tes-ratures.c..
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Un garni occupé par les miséreux, les alcooliques, les sans-papiers de la Russie tsariste. Voici le cadre de cette pièce de Gorki.

Et la vie se déroule entre jeu de cartes et discussions philosophiques. La mort et l'amour, l'incompréhension, le sens de la vie s'invitent autour de ce groupe hétérogène.

Voilà une chronique qui sera fort brève car il est difficile de parler de cette pièce sans en dire trop (d'ailleurs si vous le lisez dans cette édition, lisez la préface mais...à la fin).

Disons que ce livre offre une immersion dans la Russie des bas-fonds, mais surtout une réflexion sur la vérité.

Un mensonge n'est-il pas plus salutaire qu'une sombre vérité ? Doit-on apporter le réconfort à une personne mourante en lui promettant le paradis ou lui expliquer que la mort est la fin de tout ?

Dans cette atmosphère qui bien que sombre, regorge de nombreux traits d'humour, un personnage semble être le seul point lumineux de toute cette pièce, tentant d'apporter le réconfort aux autres personnages qui semblent s'enfoncer dans une inéluctable déchéance.

Voilà une pièce réussie qui m'a permis de découvrir Gorki avant de me plonger dans ses romans.
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Le monde de la pauvreté et la crasse mit en lumière par un génie. A lire avant de voir la superbe transposition au cinéma par Akira Kurosawa.
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Les Bas-fonds est une pièce de théâtre en quatre actes où Maxime Gorki dépeint des vies misérables en Russie à l'aube du XXème siècle. Dans un asile de nuit tenu par Mickhail et sa femme Vassilissa, la misère humaine se côtoie à chaque instant : un artiste raté, un ancien voleur, des gens qui noient leur malheur dans l'alcool, les jeux avec les quelques kopeks gagnés dans le journée, des femmes battues, une qui meurt dans la quasi indifférence… Les tenants de cet asile de nuit sont affreux, méchants, ils ne s'aiment pas et n'hésitent pas à battre Natasha, une soeur de Vassilissa. Un jour Lukas, un vieillard pèlerin débarque et analyse avec justesse les différentes situations. Empli de sagesse, il prône pour une humanité meilleure, le respect des uns et des autres, et n'est pas très apprécié des tenants de l'asile de nuit, qui finalement profitent du malheur des autres. Lukas tente de panser les blessures des uns et des autres par des mots simples, apportant ainsi espoir et réconfort dans ces bas-fonds qui ressemblent à un enfer, ces bas-fonds que l'on préfère ignorer car ils sont dérangeants. On peut peut-être voir dans le récit les prémices de la révolution russe. Une pièce qui fait réfléchir à la représentation des pauvres, des exclus, des marginaux, à la condition humaine en général avec des assertions que l'on a envie de méditer.
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