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Critique de Biblioroz


Parmi la flotte jetant l'ancre à Torbay, la frégate capitane renvoie majestueusement ses couleurs éclatantes. Mais pour le tout jeune midship Anthony O'Connell, la vie à son bord est bien loin d'être étincelante. Injustice, persécution, brutalité, odeur nauséabonde des lieux de vie accentuée par un mal de mer persistant faisaient davantage penser à un aperçu de l'enfer. Désespéré, cet orphelin regarde, envieux, la ville de Torquay, et, n'y tenant plus, rejoint la côte à la nage à la faveur d'une nuit claire. Déserteur. Affamé, il tente de se faire embaucher mais dans ce coin du Devon les gens sont méfiants en ces temps de guerres napoléoniennes.

Dans la cuisine de la ferme de Weekaborough, Stella, onze ans, apprend par maman Spring qu'elle a été sauvée par son mari lors de l'explosion d'un navire dans le port de Plymouth. Cette petite fille sensible, pleine de compassion pour les animaux qui l'entourent est heureuse à la ferme et contemple, pleine d'amour, son environnement. Elle va découvrir Anthony (qui se fera appeler Zachary) et de cette rencontre naîtra instantanément une fusion d'âme et une volonté chez Zachary de voir différemment ce qui l'entoure, de surpasser sa peur et de prendre part au sauvetage de son pays face à la pression française afin d'offrir à Stella un avenir qu'elle mérite.

L'écriture mélodieuse d'Elizabeth Goudge fait ressortir à merveille son amour pour les paysages de ce petit coin du Devon. Elle donne un souffle poétique qui irradie chaque parcelle qu'elle décrit. Elle fait chanter les collines et étinceler la baie de Torquay. En même temps que Zachary, elle nous fait prendre conscience des choses, des parfums, des sons que renvoient les beautés paisibles de ce petit coin de campagne anglaise. Des siècles en arrière, c'est aussi une terre où les histoires de naufrages ont donné naissance à des légendes dont celle qui a trait à la construction de la chapelle Saint-Michel, protectrice de tous ces naufragés. Ce lieu semble choisir certaines âmes en peine et reconduire, à des siècles d'intervalle, des visions d'amour, de fidélité, d'espoir et de recherche de la sagesse. Cette vieille légende renaît donc de ses cendres dans la relation qui va unir nos deux amoureux.
Face à la figure brutale et cruelle du monde, Zachary trouvera ici et chez certaines personnes la force et le courage pour continuer malgré ses moments de désespoir. Quant à Stella, auréolée de sa profonde honnêteté, de sa peine à constater l'injustice qui peut sévir chez les êtres humains comme chez ses compagnons à quatre pattes, elle s'attache toutes les personnes qui croisent son chemin et distribue généreusement de quoi sustenter tous les chats et chiens qui se réfugient à la ferme.

Avec une si belle écriture, des intérieurs esquissés avec un réel talent artistique, des personnages représentés dans toutes leurs complexités physiques et psychologiques, je pensais adorer cette lecture mais les messages véhiculés si religieusement ont freiné mon enthousiasme. Les paroles de la Bible, les réflexions gorgées de spiritualité, les communions instantanées des belles âmes, les relations humaines des plus parfaites sont bien trop présentes. Il est également clairement question d'un capital inné chez les êtres de bonne naissance qui se révèle dans les attitudes, les manières et les pensées. C'est le cas chez Stella pour qui le raffinement est enraciné dans ses gènes, malgré son enfance passée à la ferme des Spragg. L'auteure insiste lourdement sur ce sujet avec une exagération qui m'a choquée chez une femme pourtant pétrie de religion.

Finalement, ce n'est pas la lumière apportée par la foi, ni le chant porté par le bel espoir du triomphe du bien et de la sagesse que je retiendrai de cette découverte d'Elizabeth Goudge mais son pouvoir à faire vivre sous sa plume si séduisante cette belle contrée anglaise où fleurissaient les gentianes et d'où dominait, à l'époque, la petite chapelle Saint-Michel.
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