Vingt ans d'un travail de méticuleuse description anatomique par trois paléontologues anglais et irlandais — qui n'ont pas eu, en s'y attaquant, le moindre soupçon de sa portée révolutionnaire — ont […] mis en question nos conceptions traditionnelles sur le progrès et la prédictibilité dans l'histoire de la vie, pour faire face à une notion bien connue des historiens : la contingence ; de sorte que l'on est obligé à présent de regarder l'imposant spectacle de l'évolution de la vie comme un ensemble d'événements extraordinairement improbables, parfaitement logiques en rétrospective et susceptibles d'être rigoureusement expliqués, mais absolument impossibles à prédire et tout à fait non reproductibles. Si l'on pouvait rembobiner le film de l'évolution de la vie jusqu'à ses débuts à l'époque du Schiste de Burgess, et recommencer son déroulement à partir d'un même point de départ, il y aurait bien peu de chance pour que quelque chose de semblable à l'intelligence humaine vienne agrémenter la nouvelle version de l'histoire.
En paléontologie, la cordialité règne.
Le darwinisme conventionnel continue, à juste titre, d'exercer une grande influence ; mais sa domination n'est plus exclusive, et de nouvelles conceptions se sont récemment répandues, telles que celles qui attribuent aux organismes un rôle actif dans l'imposition de limites aux directions pouvant être prises pour leur changement évolutif. L'évolution est le résultat d'une dialectique entre l'interne et l'externe, et ne se borne pas à l'action de facteurs écologiques amenant en douceur des structures malléables à prendre des configurations adaptées.
Je crains qu’Homo sapiens ne soit qu’une « chose si petite » dans un vaste univers, un événement évolutif hautement improbable, relevant entièrement du royaume de la contingence. Faites de cette conclusion ce que bon vous semblera. Certains trouvent une telle perspective déprimante. Je l’ai toujours considérée comme vivifiante, à la fois source de liberté et de responsabilité morale conséquente
Les mots ont un subtil pouvoir. Les phrases, dont nous voulons qu’elles soient de simples descriptions, dévoilent, en fait, nos conceptions profondes sur les mécanismes et les raisons ultimes.
Les iconographies familières de l’évolution sont toutes orientées – quelquefois de manière grossièrement évidente, quelquefois de manière subtile – par cette vision réconfortante de l’inévitabilité et de la supériorité de l’homme.
Pour les spécialistes, l'évolution est une adaptation aux conditions changeantes de l'environnement et non pas un progrès.
Si l’humanité n’est apparue qu’hier, en tant que petit rameau d’une branche au sein d’un arbre florissant, alors la vie ne peut en aucune façon avoir eu pour sens de préparer notre venue. Nous ne sommes peut-être qu’un rajout imprévu, une sorte d’accident cosmique, une babiole sur l’arbre de Noël de l’évolution
Les préconceptions théoriques exercent une emprise subtile et inévitable sur l’observation des faits. La réalité ne se manifeste pas à nous en toute objectivité, et aucun scientifique n’est libre de contraintes issues de son psychisme et de la société. La plus grande entrave au progrès de la science provient très souvent d’œillères conceptuelles et non pas du manque de données.
Bien peu de scientifiques seraient prêts à admettre que les images ont un contenu idéologique intrinsèque.