Citations sur Au nom de tous les miens (121)
J’apprends, j’apprends encore, à chaque seconde, que dans ce temps, les lois, les mots, la vie, ne sont pas sûrs. Polonais, Juifs, nous sommes tous devenus des bêtes soumises au destin, au hasard.
J’ai tendu des embuscades, tué, vu mourir. La guerre était un enfer routinier.
Parfois, je dormais chez les paysans. Tard un matin, j’ai été surpris par les aboiements des chiens, les cris des soldats. Les gendarmes allemands étaient là, défonçant les portes, cherchant une famille de Juifs qu’un mouchard avait dû dénoncer pour quelques billets. J’étais caché dans le foin. Devant l’église les soldats riaient, se passant une bouteille de vodka et au milieu d’eux trois enfants, les bras levés, un homme et une femme à genoux. J’étais sans arme.
Cet homme a connu l'enfer et c'est relevé pour venger lui et sa famille.
J'étais encore très jeune quand j'ai découvert ce Grand Monsieur, à travers le film franco-canado-hongrois réalisé par Robert Enrico, sorti en 1983.
Je ne savais même pas vraiment que nous étions juifs. Nous célébrions les grandes fêtes mais nous avions des catholiques dans notre famille. Nous étions entre les deux religions et mon père, grand, droit, avec sa main si forte, me paraissait être à lui seul le début du monde.
ils sifflaient ,ils se lançaient des mots d'une charrette à l'autre et les bleus - les policiers polonais - qui n'hésitaient pas à tuer des enfants ne comprenaient pas les hommes de Pinkert. Ils hochaient la tête ,méprisants et scandalisés .
"Salauds de Juifs", disaient - ils encore et ils laissaient passer ans trop fouiller ces charrettes grinçantes ou des corps maigres ,l'un sur l'autre ,tendaient leurs bras raides.
J'avais connu des hommes. L'espèce en semblait disparue.
Vivre jusqu'au bout et un jour, si vient le temps, donner à nouveau la vie pour rendre ma mort, la mort des miens impossible, pour que toujours, tant que dureront les hommes, il y ait l'un d'eux qui témoignent au nom de tous les miens
La folie, c'était de ne pas donner tout ce que l'on pouvait aux siens quand ils étaient vivants, la folie c'était de ne pas comprendre que la mort peut les saisir et qu'elle ne laisse rien.
Leurs mots glissent sur moi sans même m'atteindre ; plus que jamais passer le mur, défier les bourreaux, les ridiculiser à mes yeux, est toute ma vie. Je la risque cette vie, mais ne plus passer, ne plus soulever ces sacs de blé qui sont du sang rouge vif pour le ghetto, c'est pour moi mourir. Ne plus me battre à ma façon, celle que j'ai inventée, c'est ne plus exister.