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Critique de AmeliaChatterton


J'avais envie d'une ambiance automnale et d'histoire courtes : ce recueil de contes est idéal pour la saison ! En plus d'être un bel objet-livre, il m'a transporté dans 10 histoires de 13 plumes différentes pour valoriser l'esthétique victorienne et célébrer les bons et mauvais côtés de cette époque. Bienvenue au manoir !

Mon avis général sur le recueil :

Côté esthétique, l'ouvrage est très soigné : couverture rigide, reliure au fil, papier épais, jolies illustrations qui collent bien au thème. C'est un livre que l'on a envie de garder dans sa bibliothèque et qui ravira les collectionneurs de belles couvertures.

Au niveau du contenu, l'ensemble des contes est cohérent au niveau de l'esthétique victorienne et en ce sens il tient ses promesses. On passe de Londres à la campagne brumeuse, de Manchester à Birmingham, dans les bas-fonds comme du côté des belles demeures aristocrates. Il se dégage de l'ensemble du recueil une sorte de mélancolie, que l'on pourrait retrouver chez Dickens, et peu d'histoires ont une fin très joyeuse ce qui renforce leur côté victorien. En effet, qu'ils soient pauvres ou riches, les personnages principaux sont en général assez malheureux dans leur vie. le thème du jeune aristocrate rebelle qui ne souhaite pas suivre les traces de ses parents est assez récurrent, tout comme celui des trains, promesse de voyage ou de nouveau départ. Seule une histoire fait exception en introduisant du Steampunk et en situant son action en France (= La Fabrique Mécanique).

Concernant les genres des contes, en plus de l'esthétique victorienne, on retrouve du policier, du surnaturel, du fantastique, et même de la romance. le Souffleur de Lumières apporte aussi un côté Légende Urbaine, qui s'inscrit totalement dans le conte.

Il y a 10 histoires, et 13 auteurs et de ce point de vue des styles très variés. A mon sens, autant le recueil garde une cohérence de thème autour du conte victorien, autant ce n'est pas le cas pour les styles d'écriture. Mais pour autant, cela ne gêne pas la lecture et cela permet de découvrir des auteurs inconnus, ce que j'ai beaucoup apprécié. le seul bémol que j'ai trouvé à l'ensemble, est qu'après lecture, j'ai éprouvé des difficultés à me souvenir de chaque histoire excepté la dernière. J'ai dû relire le début de chaque conte pour rédiger cet avis. Ce qui me laisse à penser qu'il manquait peut-être quelque chose à chaque conte pour me marquer suffisamment et m'en souvenir.

Mon avis pour chaque conte :

FREAK SHOW, PAR ELLIE S.GREEN
Résumé : Après avoir déclenché un terrible incendie, Elliot fuit Sheffield et prend clandestinement un train pour Birmingham, où il rencontre les monstres d'un freak show itinérant. Tout en cachant son acte criminel, Elliot intègre la compagnie et va vite comprendre qu'il n'est pas le seul à avoir des secrets.

Mon avis : Ici l'autrice nous emmène dans un orphelinat effroyable où Elliot commet des vols ou des bêtises pour améliorer le quotidien des autres orphelins plus jeunes que lui. Elle dénonce en parallèle les conditions de vie des orphelins dans les institutions victoriennes. C'est sa bévue de trop qui va obliger Elliot à fuir et à rejoindre malgré lui un cirque de curiosité, un Freak Show, afin de survivre et de se trouver un nouveau foyer. L'histoire est racontée du point de vue de l'enfant et de ce qu'il perçoit du cirque, ce qui renforce le côté mystérieux et fantastique de son aventure. Car il s'agit d'un cirque spécial, à la fois repoussé par les religieux à cause des « créatures » qui y sont exposées, ostracisé par la population qui y voit des personnes contre-nature, mais aussi l'objet d'une curiosité morbide qui lui permet de vivre de sa différence. Les membres du cirque apparaissent toujours très polis avec le reste de la population car c'est le seul rempart qu'ils ont trouvé pour survivre. Au fil de l'histoire, Elliot va découvrir les secrets du cirque et en apprendre sur lui-même. Un joli rebondissement survient en fin de conte, que je n'avais pas vu venir ! Un conte sur la différence et le deuil.

LE SOUFFLEUR DE LUMIÈRES, PAR LAETITIA ARNOULD

Résumé : Octobre 1858. A Londres, le Souffleur de Lumières fait régner la nuit. Il est le pendant sombre de l'allumeur de réverbères, ou son descendant maudit. Mais qui connaît son histoire ou son vrai nom ? Personne, à part peut-être cette petite fille au violon, qui erre sur les docks, dans les bas-fonds de la capitale et sur les rives de la Tamise…

Mon avis : le Souffleur de Lumière apparaît comme une légende urbaine dans ce conte. L'histoire est racontée par un narrateur extérieur qui analyse les actions du Souffleur et sa transformation progressive au contact d'une mystérieuse petite fille. J'ai beaucoup apprécié l'ambiance tout à fait victorienne de ce conte qui nous plonge dans un Londres brumeux, aux côtés d'un personnage fantastique tiré tout droit d'un cauchemar. La petite fille apporte une touche d'humanité et d'histoire dans ce conte, même si elle ressemble beaucoup à la petite marchande d'allumettes. Un conte sur ce qui nous guide dans la vie et sur les légendes de Londres.

LE BOURREAU DES COeURS ÉPLORÉS, PAR A.J TWICE & JOHANNA MARINES

Résumé : Suite à la mort stupide de son premier mari, Ivy Lunacy tombe sous le charme de la Mort elle-même, personnifiée par l'envoûtant Mr Heartless. Dès lors, elle n'aura de cesse de tout tenter pour revivre une nuit -ou plusieurs – dans ses bras. de l'amour à la folie il n'y a qu'un pas… ou plusieurs trépas.

Mon avis : C'est l'histoire qui m'a fait le plus sourire face aux manigances du personnage principal féminin, prête à tout pour une nouvelle nuit de folie avec la Mort. Ivy est une vraie garce, une mante religieuse, une veuve noire. Tout ce qui l'intéresse, ce sont des maris vieux, riches et qui meurent assez rapidement. La mort de son premier mari est juste improbable, mais les autres sont hilarantes. J'ai adoré les subterfuges qu'elle utilise pour ne pas se plier aux devoirs conjugaux avec ses légitimes. Quant à la mort, on la sent blasée devant cette folle dont elle n'arrive jamais à retenir le prénom et qu'elle s'efforce de ghoster tant qu'elle le peut. Mais rira bien qui rira le dernier. Je n'avais pas vu venir le final qui m'a bien surprise. Un conte sur la vénalité et l'amour fou aux conséquences désastreuses.

SA VOIX AU-DELÀ DES VOIES, PAR NANCY GUILBERT

Résumé : Romane est invitée par son parrain, le riche industriel Gordon Perkins, pour l'inauguration d'une nouvelle ligne de chemin de fer, en 1845. Elle ne peut se douter qu'elle va y rencontrer un personnage très singulier qui, s'il lui inspirera de la peur, la guidera d'une manière inattendue vers son rêve d'écrivaine…

Mon avis : Ce conte est une histoire de fantôme… de trains ! La première partie est l'histoire de Romane qui va vivre une expérience surnaturelle dans un train où elle a été invitée. La seconde partie est le roman que Romane va écrire suite à cette histoire et va propulser sa carrière d'écrivaine, chose impensable à l'époque victorienne (il fallait emprunter un nom masculin pour pouvoir être publiée et écrire pour une femme n'était pas très bien vu). J'ai aimé les piques lancées par Romane sur son oncle et sa tante richissimes qui l'invitent pour montrer qu'ils font oeuvre de charité auprès de leur propre famille. J'ai apprécié l'histoire du fantôme et des circonstances de sa mort qui dénoncent une industrialisation à l'extrême, au détriment des ouvriers. Pour autant, je n'ai pas vraiment frissonné face au surnaturel, peut-être parce que Romane elle-même n'avait pas trop peur (?). Néanmoins, la description des manifestations fantomatiques dans l'histoire étaient excellentes et très visuelles. Un conte sur les fantômes et la destinée.

LA FABRIQUE MÉCANIQUE, PAR CAMILLE DE MONTGOLFIER

Résumé : Au cours d'un voyage entre une pension britannique et la maison familiale de Beaumont, Louis-Edouard décrit sa ville dotée d'automates à la voyageuse qui partage son compartiment de train. Quand ils arrivent à Beaumont, toutefois, les choses ont changé et les automates qui servaient les habitants de la ville se sont libérés…

Mon avis : On rencontre dans ce conte le jeune héritier d'une famille française assez aisée qui règne sur un village où les automates gèrent le quotidien à la place des humains. Louis-Edouard est décrit comme un jeune garçon très conscient des apparences et de son futur rôle, mais surtout avec un bon coeur et l'envie de bien faire les choses. Sa rencontre fortuite avec cette voyageuse-aventurière va l'aider à résoudre un problème important dans son village, en lien avec une révolte d'automates. J'ai beaucoup apprécié la manière dont la voyageuse fait prendre conscience des choses au jeune garçon, lui apprenant à vivre sa vie en dehors des cours prodigués par sa pension. L'histoire de la poupée automate, leader de la rébellion est assez touchante. Celle de la rébellion en elle-même assez effroyable : un couvre-feu spécifiquement dédié aux habitants, l'obligation de se passer de tout aide manuelle. Cela fait prendre conscience de notre dépendance à la technologie à travers cette histoire. Une histoire avec une fin heureuse sur les dangers de la technologie et l'émancipation.

EAST END, PAR JENNIFER TELLIER

Résumé : Londres, fin septembre 1888. Stanley est convaincu qu'il est fou, puisqu'il converse avec des créatures surnaturelles. Mais Drake, l'un des amis imaginaires de son enfance, l'interpelle sur les meurtres qui se multiplient dans les bas-fonds londoniens et qui ne visent que des farfadets, des dragonnets et des faës…

Mon avis : Stanley est un jeune aristocrate qui fuit son devoir d'héritier en fréquentant le bas-peuple et les tavernes. Il aime les beuveries pour tromper son esprit et s'empêcher de devenir fou : il voit depuis son enfance des créatures surnaturelles qui conversent avec lui. Devant un père constamment déçu par lui, et une mère absente décédée prématurément, il se sent bien seul face à ce problème dont il ne peut pas parler. Quand enfin, il se décide à affronter les lutins et farfadets qui semblent avoir besoin de son aide, il plonge totalement dans la folie… Un conte sombre sur la quête de soi avec une référence à Jack l'éventreur et à Dr Jekyll et Mr Hyde.

L'AMPHITRYON, PAR JEREMY ANGELO

Résumé : Manchester, fin XIXe. Hormis le 31 octobre de chaque année, Octave de Cielmonde offre l'hospitalité en échange d'une simple conversation. Si votre estomac crie famine et que vous avez beaucoup de bagout, n'hésitez pas à franchir le seuil de sa porte, et régalez-vous chez l'Amphytrion. Si vous l'osez…

Mon avis : Octave est un être étrange dont on ne connaît pas grand chose, si ce n'est qu'il se repaît d'histoires et de compagnie plus que de nourriture. On croirait une légende urbaine comme celle du Souffleur de Lumières… Ce conte est le récit de la journée du 31 octobre, la seule date dans l'année où Octave n'invite personne. On en ignore la raison mais il semblerait que ce jour soit maudit et que l'hôte y révèle sa face la plus sombre. Malgré tout, un invité surprise fort malpoli et trop curieux va braver l'interdit en frappant à la porte d'Octave. J'ai beaucoup apprécié le fait de menus détails dans cette histoire comme le fait que le menu soit appétissant en fonction de la conversation de l'invité, ou qu'Octave ne semble pas vivant mais apprécie la compagnie de tous. Un conte sur l'adage : « La curiosité est un vilain défaut » et la solitude.

VOUS MONTEZ, MADEMOISELLE ? PAR SACHA BAZET

Résumé : Alors qu'elle retourne sur les terres de ses origines, Gabrielle met la main sur le journal de Jeanne, une mystérieuse parente. Dans ce carnet, la jeune femme fantasque évoque des aventures incroyables à bord de trains fabuleux. Qui était Jeanne ? Et ces trains étaient-ils bien plus que le fruit d'une imagination foisonnante ?

Mon avis : Encore un conte sur une jeune aristocrate qui souhaite s'émanciper de ses parents et de sa condition. Sauf qu'ici, elle revit le cheminement d'une parente qui a vécu la même chose à travers son journal intime. Et s'il existait une garde fantôme dans la montagne, à partir de laquelle on pouvait embarquer à travers des trains tous plus intéressants les uns que les autres ? Mais cette gare existe-t-elle vraiment ou est-elle le produit de l'imagination d'une jeune fille malade ? J'ai beaucoup apprécié les différents trains : celui des courtisanes, celui des scientifiques, de la bibliothèque, des aventuriers, des architectes-paysagistes, de la moralité… Tout se prête à un voyage imaginaire très intéressant. J'ai aussi apprécié le fait que l'héroïne gagne en maturité et ouvre les yeux sur sa condition privilégiée au fil de l'histoire. le conte en dit long également sur l'attitude des aristocrates face aux membres de leur famille qui ne se plient pas aux conventions fixées par leur rang. le final est ambiguë avec une fin ouverte, ce qui laisse au lecteur la possibilité d'imaginer la suite de l'histoire. Un conte sur l'émancipation et l'identité.

UN SONGE D'AUTOMNE, PAR LIVIA MEINZOLT

Résumé : Lorsque Abigail est engagée au manoir des Gray, elle s'attend à veiller un jeune homme atteint d'un mal étrange. Mais ce qu'elle découvre au fil des nuits passées au chevet de Gabriel est bien plus complexe qu'elle ne l'imaginait. Se pourrait-il que la malédiction des Gray soit plus qu'une simple superstition des villageois ?

Mon avis : L'histoire est une romance autour de deux personnages qui ne sont pas issus de la même classe sociale. Abigail est pauvre et doit travailler pour survivre. Gabriel est un nanti, malheureusement atteint d'une maladie héréditaire mystérieuse. J'ai apprécié le fait que l'héroïne fasse preuve de rationalité dès le départ au sujet de la malédiction de la famille de Gabriel, même si elle remettra en question son jugement à un moment donné de l'histoire. La malédiction révèle des secrets de famille honteux qui sont assez représentatifs d'une époque où les aristocrates abusaient de leur pouvoir auprès de leurs domestiques. L'autrice a un style assez poétique très agréable à lire, notamment dans ses descriptions de paysages et d'ambiance automnale. Un conte sur l'amour et la vengeance.

LA BOUTIQUE DE SOUVENIRS D'ISADORA, PAR KARINE MARTINS

Résumé : La « Boutique de souvenirs d'Isadora » n'a de boutique que le nom. Rien ne se vend, mais se transmet. Chaque 31 octobre, les esprits déposent des souvenirs à remettre aux vivants. Un jour, le souvenir d'une fillette, potentiellement en danger, est retrouvé. Commence alors une course contre la montre pour la chercher, à partir d'un seul indice : un dessin.

Mon avis : Sans doute mon conte préféré du recueil. Au niveau du genre, on oscille entre le fantastique et le policier auprès du personnage principal un peu alcoolique qui se fait engager auprès de la gérante un peu folle d'une boutique étrange. Au fil de l'histoire, on comprend qu'Isadora est un être fantomatique qui délivre les souvenirs des disparus à leurs familles afin de les aider à faire leur deuil. J'ai trouvé son rôle assez touchant mais le personnage est vraiment très étrange. Elle est décrite comme une silhouette fantomatique, habillée comme une poupée, et qui se soucie peu des apparences ou des conventions. A l'inverse, William est plutôt soucieux de la protéger du danger extérieur et d'arrondir les angles. Les deux personnages se complètent bien. J'ai beaucoup apprécié l'enquête qu'ils mènent pour retrouver la petite fille du dessin, même si William doute un instant de l'existence d'Isadora, ce qui apporte une touche de fantastique. J'aimerais lire d'autres histoires dans le même univers, d'autres enquêtes. Un conte sur le deuil et les secondes chances.

En conclusion : La Bibliothèque du Manoir est beau recueil de contes qui vous plongera dans une ambiance victorienne idéale pour l'automne. Si vous aimez enquêter, frissonner ou tout simplement retrouver l'ambiance des romans de Dickens, venez découvrir ces histoires toutes plus différentes les unes que les autres. Cependant, ne vous attendez pas forcément à des fins heureuses : comme dans Dickens, la vie est dure et difficile dans les bas-fonds de Londres, même si l'on vous apportera une lueur d'espoir de temps à autre...
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