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Critique de Eric75


Graham Greene fait partie du cercle très sélect et très fermé des espions britanniques à la retraite devenus écrivains célèbres, auquel appartient également John le Carré et Ian Fleming. Les précédents romans de Graham Greene, tels que L'Agent secret (1939), le Troisième Homme (1950) et Un Américain bien tranquille (1955) faisaient la part belle au suspense, à l'action et à la paranoïa, bref, à la vie pleine de secrets et de dangers des hommes de l'ombre. Graham Greene connait plutôt bien le milieu car il a été membre du MI6, qui plus est recruté par l'emblématique Kim Philby, agent double officiant pour le compte du KGB et ayant servi de modèle à La taupe de John le Carré.
Notre agent à La Havane, publié en 1958, est un roman d'espionnage différent des précédents.
Graham Greene délaisse le côté anxiogène et austère des romans d'espionnage traditionnels (dont il est pourtant l'un des chefs de file) pour s'essayer à l'humour, à l'exotisme et au comique de situation. Sans pour autant se rapprocher du style parodique d'un Ian Fleming, immédiatement identifiable par l'utilisation systématique de gadgets futuristes, de nymphes peu farouches et de mégalos voulant asservir le monde, il donne ici dans un ton plus léger.
Et c'est bien là où le bât blesse. Pétri d'un humour british qui se veut léger et décalé, à fleurets mouchetés, le livre paraît aujourd'hui totalement daté (le film s'en sort plutôt mieux grâce au talent des acteurs, Alec Guinness en tête, et à la faculté qu'ont les spectateurs de se replonger plus facilement dans un produit techniquement daté, recréant une ambiance d'époque).
L'idée de départ est séduisante : les services secrets britanniques cherchent à recruter un nouvel agent à La Havane, et jettent leur dévolu sur Jim Wormold, un ressortissant anglais vendeur d'aspirateurs. Séparé de sa femme, élèvant seul sa fille Milly, une gamine délurée et dépensière, Wormold rencontre quelques difficultés à boucler ses fins de mois. Aussi, quand on lui propose de travailler pour les services secrets, celui-ci n'hésite pas une seconde et va même jusqu'à faire du zèle en inventant des agents de terrain virtuels et des complots fictifs, une méthode comme une autre lui permettant d'augmenter sa rémunération. Tout va se compliquer lorsque Londres envoie sur place une collègue expérimentée, Béatrice, pour renforcer l'équipe et prêter main forte à l'apprenti espion.
Malgré ce pitch original, toutes les situations burlesques, les bons mots désopilants, les belles tirades qui se voudraient cocasses, finissent par tomber à plat, tellement tout cela semble aujourd'hui tombé en désuétude. Seule la scène du recrutement de Wormold dans les toilettes du restaurant parvient tout juste à arracher un sourire au lecteur. le reste ne prend pas : les joutes verbales avec le bon docteur Hasselbacher sont la plupart du temps incompréhensibles ; le chef de la Police, supposé être une terreur et le suppôt d'un dictateur sanguinaire, s'amourache de Milly et se laisse aller à une sollicitude bienveillante et fleur bleue ; la réaction de Londres est bien trop naïve pour être crédible ; l'agent Béatrice ferme les yeux et se range bien vite au côté de Wormold ; la scène de l'empoisonnement lors du banquet est prévisible et outrancièrement théâtrale ; l'utilisation maladroite des codes radio et de la technologie fait à peine sourire, etc.
Gardons néanmoins à l'esprit que ce roman met en chantier, sans doute pour la première fois, l'image de l'espion parodique et décalé, le premier d'une longue série aboutissant à Austin Powers et à Johnny English, en passant par Un grand blond avec une chaussure noire, espion malgré lui, et Max la Menace, un autre espion connu pour sa chaussure, dissimulant un émetteur-récepteur radio, ancêtre du téléphone portable.
Pour rester sur une note optimiste, je vous invite à prendre la mesure du ton décalé du livre (et du film) en jetant un oeil sur la vidéo postée sur Babelio de la bande annonce du film « Our Man in Havana » réalisé par Carol Reed en 1959, avec Alec Guinness, Burl Ives et Maureen O'Hara dans les rôles principaux.
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