Je reste pétrifiée devant tant de beauté, et je pense aux cygnes sur leur îlot qui aperçoivent ces étincelles de lumière dans la nuit, ils en ont le cœur tout retourné. Il paraît qu’ils ont recommencé à construire un nid, et cette détermination est un mystère pour moi, après tout ce qu’ils ont perdu.
Dans la journée, quand mes fils sont à l’école, je ne peux m’empêcher de lire des articles sur les désastres qui frappent le monde, les glaciers qui se meurent tels des êtres vivants, le vortex de déchets du Pacifique, les centaines d’espèces qui s’éteignent sans même qu’on le sache, millénaires effacés comme s’ils n’avaient aucune valeur. Je lis, plongée dans un chagrin sauvage, à croire que la lecture peut calmer cet insatiable besoin de deuil, alors qu’au contraire, elle ne fait que l’attiser.
Ensuite, il y a le psy, assis tous les soirs au bureau de sa demeure victorienne pareille à un galion pourrissant. Un de ses patients l’a surpris au lit avec sa femme ; il avait un fusil chargé dans sa voiture. La femme est morte en plein coït, le psy a survécu, une balle logée dans la hanche, voilà pourquoi il boite lorsqu’il va se resservir un scotch. Selon les rumeurs, il rend visite au cocu meurtrier en prison chaque semaine, même si la teneur de ses motivations reste obscure, est-ce par gentillesse ou pour se gausser, mais les motivations sont-elles jamais pures ?
Parfois dans le silence, je suis témoin de querelles qui ressemblent à de lentes danses, sans musique. C’est incroyable la façon dont les gens vivent, leur désordre, les délicieuses odeurs de cuisine qui portent jusque dans la rue, les décorations de Noël qui peu à peu se fondent dans l’environnement quotidien.