9 juillet 1992
"Tu n'achètes plus les revues de bateau, dis-je à Paul.
-Parce que je n'en fais plus, répond-il.
-Mais moi j'achète bien des romans d'amour ! "
Nous buvons la délicieuse bière Smithwick pour nous retrouver en Eire.
Comme a toujours dit Paul : "On n'a qu'un certain capital à dépenser." "Je vis maintenant dans l'insouciance, car j'ai épuisé mon stock de souffrance"
Avoir les mains déformées, du moment qu'elles fonctionnent, quelle importance ? Un jour, je me ferai attacher comme Renoir son pinceau, mon stylo aux doigts pour pouvoir continuera à écrire ! Paul est attendri, ça me rend plus vulnérable, un peu plus proche de lui. Mais pour moi, il s'agit de maintenir mes capacités d'action et d'efforts au niveau de mes goûts et de mes envies. Tout est là et résume le combat que je perdrai certes, mais lentement.
La nuit, les choses vous apparaissent livides et sinistres. On pourrait préciser qu’à partir de l’âge de vieillesse, elles apparaissent tout simplement comme elles sont. Et le matin, on retrouve l’idiote, la délicieuse joie de vivre. Et la folie des projets. Comme si on ne devait jamais mourir.
L’Irlande est un état d’âme, c’est un mode de vie. Je respire l’air comme on déguste une eau très pure. Il vient de quatre mille kilomètres d’Atlantique et il en a le goût.
J’aimerais rendre Kurt heureux : ce me serait si facile et j’aurais, en plus, le temps de vivre pour moi. Je n’ai plus envie d’aimer un Sartre ou un BHL : trop intelligents. Je m’ai, merci ! Je ne leur arrive pas à la cheville, mais je me distrais suffisamment et je m’exploite, ce qui me fait vivre. Bien sûr, c’est dix ans trop tard : Kurt est un peu trop figé malgré la folie de son amour pour moi. Je sais maintenant pourquoi j’ai dit non autrefois à sa demande en mariage, et pourquoi aujourd’hui je dirais oui, si j’étais libre.
Paul fait des siestes interminables : l'alcool le rend cotonneux. Il ressemble à une holothurie quand il se déplace.
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On finit par s'habituer au gris et par lui trouver des nuances !
page 260
Les pieds n'ont rien à faire, quand on lit :
ils peuvent mener une vie à part.
Ils se rejoignent, se caressent, se font des signes de tendresse,
pendant que leurs propriétaires font bande à part, en haut !
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