La dernière lettre à Léopoldine
J'écris à ta mère, ma fille chérie, la tournée que je fais dans ces montagnes. Je t'envoie au dos de cette lettre un petit gribouillis qui te donnera quelque idée des choses que je vois tous les jours, qui me paraissent bien belles, et qui me sembleraient bien plus belles encore, chère enfant, si je les voyais avec toi. Ce qui te surprendra, c'est que l'espèce de ruine qui est au bas de la montagne n'est point une ruine : c'est un rocher. Les Pyrénées sont pleines de ces blocs étranges qui imitent des édifices écroulés. Les Pyrénées elles-mêmes, au reste ne sont qu'un grand édifice écroulé. [...]
Dans la plaine naît un bruit.
C'est l'haleine de la Nuit.
France ! Ô deuil ! voir un astre aux cieux diminuer !
Je sens l'ascension lugubre de la honte.
Morne angoisse ! un fléau descend, un autre monte.
N'importe. Poursuivons. L'histoire en a besoin.
Ce siècle est à la barre et j'en suis son témoin.
On vous approche pour mieux choisir la place où l'on vous poignardera; l'exil est à clairevoie; on y regarde dans une fosse aux bêtes; vous êtes isolé et guetté.
Messieurs, il s e coupe trop de têtes par an en France.
Puisque vous êtes en train de faire des économies, faites en là dessus.
Puisque vous êtes en verve de suppressions, supprimez le bourreau.
Avec la solde de vos quatre vingts bourreaux, vous payerez six cents maîtres d'école.
Le vieillard qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'œil du vieillard on voit d ela lumière.
Sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême
Qui, comme un ancien Dieu, se transforma lui - même,
D'Annibal en Cromwell en César
C'était quand il couvait son troisième avatar.