Cette envie furieuse (obtuse et glorieuse, lamentable) de bites, et qui doit être plus générale, de sexes, de chattes (j’ai entendu Vincent en rêver tout haut l’autre nuit tandis que je le suçais), n’est-elle pas aussi abstraite et primordiale que l’envie du livre, du tableau ?
Les autres sont adorables avec moi, mais moi je ne suis pas vraiment ici, je suis avec l’autre qui n’est pas là, je m’absente pour retrouver l’absent. S’il était là, je serais sans doute nulle part.
Il dit : « J'avais décidé de ne plus aimer les hommes, mais toi tu m'as plu. »
Il me dit que nous ne croyons pas aux mêmes choses, car lui ne croit à rien, ni à l'amour ni à la littérature, encore moins à Dieu, à peine à la beauté de la vague ou de la neige. Il veut me faire manger mes illustrés pornographiques et lui, dit-il, de mon livre que je viens de lui donner, il dévorera les bords avant de s'attaquer aux parties encrées, plus amères.
« C'est à quel sujet ? » me demande la mère de Vincent ; envie de lui répondre : c'est au sujet de sa bite, Madame, j'aurai besoin de la sucer dans les meilleurs délais.
En me réveillant, cerné par les traces de ce corps que j'ai adoré, et qui a disparu, je serais prêt à me rincer la bouche à l'ammoniaque et à talquer de soufre les draps et son oreiller.
Il a dansé dans ma bouche.
Avec Vincent on a passé une bonne partie de la nuit à essayer de me mettre. Ça m'a rappelé ces nuits blanches juvéniles à deux, les toutes premières, où la sensualité l'emporte sur l'épuisement, où la recherche vaine du plaisir devient plus exaltante que le plaisir attendu, et où les corps se mettent à dégager une étrange odeur, au-delà de la sexualité, une sueur d'absolu.
C'était un contrat trop cruel : pour qu'on se voie, il fallait qu'il aille mal et que j'aille bien.
Qu'est-ce que c'était ? Une passion ? Un amour ? Une obsession érotique ? Ou une de mes inventions ?