J'ai fait, il y a quelques annees un voyage a Cuba. J'avais tout aime, les paysages, l'architecture dans les villes (meme la decrepitude de la Havane), l'accueil, la bonhommie, la bouffe, la musique, meme et surtout les musiques les moins touristiques, en particulier le "son".
Le "son" est un genre musical cubain apparu fin XIXe-debut XXe siècle. Ailleurs qu'a Cuba on l'a appele rumba. Il combine des traditions espagnoles et africaines en un rythme et une sonorite nouveaux pour l'epoque, qui se veulent "indigenes".
Nicolas Guillen, un des rares grands poetes a ne s'etre pas exiles après la revolution Castriste, a produit de nombreux recueils de poesie populaire, en langue parlee (= une prononciation deficiente), proches de ce que voulait etre en francophonie la "negritude". Il a donne a ses poesies le titre de "son". Ce sont peut-etre des poesies a etre chantees au rythme du son, ou peut-etre simplement inspirees par le genre musical. Quoi qu'il en soit, sa langue, malmenee a souhait, a un charme certain et son rythme envoute. Quant au sens des paroles, il revendique avec force la facon de vivre, de percevoir et de ressentir la vie, avec ses joies et ses douleurs, du petit peuple, de l'indigenat metisse cubain. C'est tres fort.
Seghers avait edite il y a quelques dizaines d'annees un choix de ses poemes. Je suppose qu'il faut fouiller chez des bouquinistes pour le trouver. En attendant, voici des exemples, avec ma traduction.
Aunque soy un pobre negro, Bien que je sois un pauvre noir,
Se que el mundo no anda bien; Je sais que le monde ne marche pas bien;
Ay! Yo conozco un mecanico Ay! Je connais un mecanicien
Que lo puede componer! Qui peut l'arranger!
Quien los llamo? Qui vous a appele?
Cuando regresen Quand vous reviendrez
A Nueva York, A New York
Mandeme pobres Envoyez moi des pauvres
Como soy yo Comme je le suis moi
Como soy yo Comme je le suis moi
Como soy yo. Comme je le suis moi.
A ellos les dare la mano A eux je donnerai la main
Y con ellos cantare, Et avec eux je chanterai,
Porque el canto que ellos saben Car le chant qu'eux connaissent
Es el mismo que yo se. Est le meme que je connais.
SOLDADO MUERTO SOLDAT MORT
Que bala lo mataria? Quelle balle l'aurait tue?
Nadie lo sabe. Personne ne le sait.
En que pueblo naceria? Ou serait-il ne?
En Jovellanos, dijeron. A Jovellanos, dit-on.
Como fue que lo trajeron? Comment l'a-t-on amene?
Estaba muerto en la via, Il etait mort sur la route,
Y otros soldados lo vieron. Et d'autres soldats l'ont vu.
Que bala lo mataria? Quelle balle l'aurait tue?
La novia viene y lo besa; La fiancée vient et l'embrasse;
Llorando, la madre viene. Pleurant, la mere vient.
Cuando llega el coronel Quand arrive le colonel
Solo dice: Il dit seulement:
Que lo entierren! Qu'on l'enterre!
Chin! Chin! Chin! Tchin! Tchin! Tchin!
Aqui va el soldado muerto. Ici va le soldat mort.
Chin! Chin! Chin! Tchin! Tchin! Tchin!
De la calle lo trajeron. On l'a amene de la rue.
Chin! Chin! Chin! Tchin! Tchin! Tchin!
El soldado es lo de menos. le soldat compte pour rien.
Chin! Chin! Chin! Tchin! Tchin! Tchin!
Que mas soldados tenemos… Car nous en avons plein, des soldats…