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Critique de fbalestas


Ils sont deux. Deux hommes africains, originaires d'une contrée considérée comme à l'autre bout du monde – le terme de Zanzibar fait toujours rêver - à se retrouver en asile au Royaume Uni.

Le premier porte un faux nom. Il se fait appeler Rajab Shaaban Mahmud, porte avec lui un sac de vêtements, un coffret en acajou qui recèle un bien précieux, et il est doté d'un conseil – bon ou mauvais on le saura plus tard : en dire le moins possible, et faire semblant de ne pas parler tandis qu'il maîtrise parfaitement la langue.

Le second est un peu plus jeune. Ironie de l'histoire – et on verra pourquoi par la suite – c'est le fils du vrai Rajab Shaaban. Il est arrivé un peu plus tôt au Royaume Uni et vit en tant qu'universitaire à Londres.

Abdulrazak Gurnah va nous faire vivre dans la tête du premier : qu'est-ce qui peut en effet pousser un homme de plus de 60 ans à tout quitter pour demander l'asile dans un pays dont il ne semble même pas parler la langue ? On comprendra plus loin que, après une vie de riche commerçant, il a fait de prison et aspire à la sérénité.

Ce sera ensuite le tour de Latif, d'abord appelé comme interprète pour traduire la langue de son compatriote, et surtout bien curieux de comprendre pourquoi l'homme qui lui fait face a emprunté l'identité de son père décédé.
Car les deux hommes, sans se connaître profondément, ont de forts liens communs.

On ne dira rien de ce qui les lie, pour ne pas divulgacher aux lecteurs le plaisir de lire ce conte qu'on pourrait croire issu des mille et une nuit.
Mais surtout on aura apprécié la langue : nul doute que c'est ce qui fait la force du récit de Abdulrazak Gurnah, couronné d'un Prix Nobel bien mérité.
En lui décernant le prix Nobel de littérature à l'automne 2021 pour les dix romans qu'il a publiés depuis 1987, l'Académie suédoise en effet souhaitait récompenser une oeuvre qui explore de manière « empathique et sans compromis les effets du colonialisme et le sort des réfugiés pris entre cultures et continents ». Bien vu.

L'écriture est ample, elle prend son temps, et cherche à décrire la subtilité des liens entre les êtres, fût-ce la haine ou le ressentiment.

On croisera aussi le personnage de Bartlleby que Melville a fait naître et qui restera célèbre pour son « je ne préfère pas ». Les deux hommes connaissent cette référence, qui a quelque chose à voir avec leur histoire à tous deux.

Peu de personnages secondaires (Rachel, qui s'occupe des réfugiés, un autre homme qui aura été providentiel pour l'asile politique) mais peu importe : c'est avec beaucoup de sagesse que l'auteur nous raconte ses vies que le destin forge de toute part.

Devenu spécialiste des études postcoloniales à l'Université du Kent, à Canterbury, aujourd'hui à la retraite, Abdulrazak Gurnah s'est intéressé à des écrivains comme Wole Soyinka, Salman Rushdie ou encore Conrad nous dit-on.
C'est quoi qu'il en soit une réelle découverte pour moi : ce roman sur fond de thématique très contemporaine ne devrait laisser aucun de ceux qui se soucient de littérature indifférent.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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