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Critique de CeCedille


On connait l'historien des débuts de la IIIème République (La Fin des notables -1930-, La République des ducs -1937-), le philosophe de l'Essai sur l'accélération de l'histoire -1948-. Mais on connait moins le Daniel Halévy de “Pays parisiens”, plus intimiste et familial, composé entre 1925 et 1930, qui évoque les différents quartiers habités par sa famille, à la charnière du XIXème et du XXème siècle.

Illustre famille ! En amont, un père, Ludovic, célèbre librettiste (La Belle Hélène, La Vie parisienne, La Grande-duchesse de Gérolstein, La Périchole ou Carmen...) qui finit académicien. du côté de la mère, c'est la dynastie Bréguet, horlogers puis avionneurs. Un frère, Elie, philosophe et historien. Un gendre ministre du général De Gaulle (Louis Joxe), un petit-fils ministre du Président Mitterrand (Pierre Joxe). On trouve aussi dans cette descendance de savants universitaires et une actrice : Clémentine Célarié. Belle idée de biographie d'une dynastie bourgeoise pour la plume d'un Pierre Assouline!

Les souvenirs de l'enfant commencent avec les illuminations de l'exposition universelle, le 1er mai 1878. Sa famille habite Montmartre, alors que ses origines sont en centre ville au bord de la Seine. Daniel Halévy raconte l'histoire de son grand-père Hippolyte Lebas, architecte de l'Institut et secrétaire perpétuel de l'Académpie des Beaux-Arts, logé aux frais de l'Etat dans le pavillon qui termine l'aile gauche du Palais, et qui y hébergeat toute sa famille, pendant quarante ans, de 1830 à 1870. Puis, parce que la grand-mère garde des souvenirs champêtres de la Butte, “des pentes d'ombrages et d'herbages”, la famille se retrouve dans les différents appartements d'une même maison, dans le Montmartre mythique et champêtre, rapidement envahi par la ville avec l'arrivée d'un omnibus à trois chevaux (“Sa pesanteur, sa cavalerie puissante troublèrent le quartier paisible, comme l'incursion d'une force barbare”). Montmartre garde cependant ses artistes, dont Degas, l'ami de la famille, voisin le plus proche, fidèle visiteur. Au petit lycée Condorcet, Daniel a pour professeur Stéphane Mallarmé. Au grand lycée Daniel est le condisciple de Marcel Proust, auquel il soumet ses premiers écrits, jugés ineptes ! Leur amitiés n'en souffre pas et ils partagent leurs premier émois adolescents dans la contemplation du sourire de la la crémière du quartier, la belle Madame Chirade. L'échec cuisant de l'entreprise du jeune Marcel Proust pour lui déclarer sa flamme, observé de loin par ses congénères, est un morceau d'anthologie. Après la Plaine Monceau, la famille retrouve le centre de Paris et la vieille maison du bout de la place Dauphine, réhabilitée et modernisée pour la rendre habitable : “Nous étions rentrés dans Ithaque” écrit-il. “J'étais sur le Pont Neuf, à la pointe de la Cité...Genius loci...”

La description du centre de Paris ne dépaysera pas trop le piéton d'aujourd'hui. La Samaritaine et la Belle Jardinière sont en place. Les escaliers de la cour d'appel sont un “amas de pierres blanches”, avant le ravalement comme après. La déambulation des deux côtés de l'ile de la Cité est délicieuse et savante, car l'Histoire surgit à chaque instant.

Mais ce livre est aussi une autobiographie intellectuelle. le jeune Halévy, orléaniste de tradition, mais esprit généreux, découvre la “question sociale”, en observant le savetier d'en face dans son échoppe du petit matin au soir, travaillant sans relâche et sans congés Il découvre Proudhon, devient l'ami de Péguy, s'engage en faveur du capitaine Dreyfus.

Il crèe les universités populaires d'abord au Faubourg Saint Antoine puis à La Chapelle

“Assis sur nos petites chaises de bois, un peu troublés, un peu intimidés, nous attendions que le peuple daignât faire son entrée.” le même mouvement lui fera découvrir les paysans aux quels il consacrera un autre livre.

Les historiens rappellent son évolution ultérieure vers le traditionalisme, jusqu'à soutenir la politique de la Révolution nationale du maréchal Pétain et à accompagner les néo-maurassiens avec Pierre Boutang dans les années 50.

L'accélération de l'histoire, qu'il évoquera dans un court et brillant essai en 1948, (travail qui fera l'admiration de Philippe Ariès et de ses contemporains), l'aura donc laissé sur la rive, attaché au pays ancien, à une société intellectuellement raffinée, à ses salons littéraires, et plongé dans les méditations eschatologiques de l'après-guerre et d'Hiroshima. le piéton de Paris qui aime à prolonger le plaisir de son itinérance en compagnie d'écrivains savoureux (Léon-Paul Fargues, Henri Calet, Aragon...) ou de cet extraordinaire chirurgien/éditeur (Eric Hazan) qui a écrit l'un des plus étonnants guides historiques de la capitale (“L'invention de Paris : Il n'y a pas de pas perdus”), ne doit pas oublier les“Pays parisiens” de Daniel Halévy.
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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