AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,43

sur 72 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Depuis quelques années, des avis enthousiastes m'avaient fait noter le nom d'Eduardo Halfon, et voilà enfin que je me lance, avec un tout petit livre qui sera sans doute suivi d'autres. L'auteur y revient avec urgence et intensité sur un souvenir qui a marqué son enfance : on lui a (ou on lui aurait) raconté que Salomon, un des frères de son père, s'était noyé dans le lac Amatitlàn, tout proche de la maison de ses grands-parents. Eduardo Halfon retourne sur les bords de ce lac, interroge des riverains pour essayer d'en savoir plus sur cet accident dont on ne parlait pas dans sa famille. Il va faire alors des découvertes surprenantes.

Dès le début, j'ai été séduite, et n'ai pas ressenti le besoin de noter des citations, ou alors j'aurais été obligée de noter plusieurs citations dans chaque paragraphe, tellement tout me parlait. Dans la veine de l'introspection intime et familiale, Eduardo Halfon fait très fort avec une belle économie de mots, assortie de détails qui sonnent toujours très justes. À chaque chapitre, une histoire peut en cacher une autre, et c'est passionnant. L'écriture sobre n'empêche pas le lecteur de s'identifier parfois, de compatir souvent, de s'amuser à certains moments de ces confrontations entre les souvenirs d'enfance et les ressentis d'adulte. À noter le beau travail de traduction qui se fait tout discret au service du texte.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          180
Traduit par David Fauquemberg

Je vous emmène en voyage, en compagnie d'Eduardo Halfon, écrivain né au Guatemala en 1971. Il est un auteur tout à faire connu en Amérique du Sud où il a été nommé parmi les quarante meilleurs jeunes écrivains latino-américains au Hay Festival de Bogotá. Il a déjà été publié plusieurs fois en France, mais j'avoue que je ne le connaissais même pas de nom. Une belle occasion de découvrir une littérature d'ailleurs, une fois de plus !

Deuils est le récit d'une quête familiale et d'une recherche de vérité :
"Il s'appelait Salomón. Il est mort à l'âge de cinq ans, noyé dans le lac d'Amatitlán. C'est ce qu'on me racontait, enfant, au Guatemala. Que le frère aîné de mon père, le premier-né de mes grands-parents, celui qui aurait dû être mon oncle Salomón, était mort noyé dans le lac d'Amatitlán, accidentellement, quand il avait mon âge, et qu'on n'avait jamais retrouvé son corps."

Le narrateur cherche à percer le mystère de cet oncle qu'il n'a pas connu. C'est un fantôme qui hante le récit d'une présence évanescente, poétique et presque mystique. Dans sa quête, le narrateur entraîne le lecteur à travers plusieurs pays : le Gualemala, mais aussi les Etats-Unis, l'Allemagne, la Pologne...

"Je savais que mon grand-père avait quitté Beyrouth en 1919, à l'âge de seize ans, avec sa mère et ses frères, par les airs. Je savais qu'il avait d'abord volé jusqu'en Corse, où sa mère était morte et où on l'avait enterrée ; puis de là, en France, où tous les frères avaient ensuite appareillé depuis Le Havre à bord d'un vapeur baptisé SS Espagne, à destination de l'Amérique ; New York, où un fonctionnaire de l'immigration tire-au-flanc, ou peut-être fantasque, avait décidé de couper en deux notre nom de famille, et où mon grand-père avait travaillé pendant plusieurs années, à Brooklyn, dans une usine de bicyclettes ; Haïti, où vivait l'un de ses cousins ; le Pérou, où vivait un autre de ses cousins ; et le Mexique, où un autre cousin encore était le fournisseur en armes de Pancho Villa. Je savais qu'à son arrivée au Guatemala il avait survolé les arcades du Portal del Comercio - à une époque où un tramway tiré par des chevaux ou des mules passait encore devant le Portal del Comercio - avant d'y ouvrir un magasin de tissus d'importation(...)."

Deuils, c'est aussi l'histoire d'un exil familial et de tabous, transgressés malgré tout.

"Mon grand-père ne retourna jamais dans sa ville natale. Il ne voulut jamais y retourner. Et il refusa toujours qu'un membre de la famille s'y rende. Il ne faut pas aller en Pologne, disait-il. Les Polonais, disait-il, nous ont trahis. Je voyageais donc en Pologne, contre sa volonté (...)."

"Le petit frère de mon grand-père, pouvait-on lire sur ce document, alors âgé d'à peine vingt ans, était mort de faim", dans le ghetto de Lödz, le 14 juin 1944.

Ecrire pour savoir qui on est. C'est finalement ce que l'on ressent à cette lecture. Des choses tragiques mais écrites avec force et beauté.
De la joie aussi, et de l'humour.
On croise une foule de personnages hauts en couleur.

"Une dame courtaude et grassouillette regardait la télévision derrière le comptoir. Elle l'éteignit brusquement et se leva.
Bonjour, me dit-elle dans un demi-sourire pleine de tristesse et d'or. (...)
Je remarquai sur le pin brut du comptoir une assiette de plastique rouge contenant ce qui ressemblait à des cacahouètes grillées, mais en plus rond et plus sombre, un peu comme des grains de café brûlés, et je demandai à la dame ce que c'était. Des fourmis, répondit-elle, nos fameux zompos de Mayo. Bien grillées, ajouta-t-elle, avec du sel et du citron."
Mmmmh ! Miam miam ! :) Je vous laisse découvrir seul la fin de ce passage qui vaut le détour !

Eduardo Halfon vous berce, dans ce roman court, de sa plume poétique et concise. Ses mots vous enveloppent d'un voile de douceur, pour vous conter une histoire tantôt violente, tantôt magique, entre rêve et réalité.

Je classe ce livre parmi mes coups de coeur 2018 !


Lien : http://milleetunelecturesdem..
Commenter  J’apprécie          60
Le narrateur retourne dans la maison de ses grands-parents au bord d'un lac au Guatemala. de son enfance, il se souvient de l'histoire de Salomon, le frère de son père, mort à 5 ans, noyé dans le lac. Il essaie désormais de reconstituer cette histoire familiale, de comprendre les tabous et les non-dits sur la mort de cet oncle.

Ce court roman ressemble à un puzzle de souvenirs et d'histoires, sans suivre de récit chronologique. On navigue entre le Guatemala, la Pologne de la seconde guerre mondiale et les États-Unis.

J'ai été happée par ce récit, par ces souvenirs. J'ai aimé l'écriture fluide et sans chichis de l'auteur. C'est une très belle découverte !
Commenter  J’apprécie          30
C'est un roman, inspiré sans doute de sa biographie, un roman impressionniste qui débute alors qu'il vivait encore en Amérique Centrale et qu'il était un enfant, avant l'exil de sa famille et qui se termine à l'âge adulte quand il revient au pays natal dans la maison de ses Grands-parents, pour retrouver la trace d'un deuil familial douloureux.
Le narrateur est le neveu du personnage principal, le frère aîné de son père, mort à cinq ans, Salomon, dont on ne prononce jamais le nom ouvertement, ni la mort, ni l'histoire, mais qui est le noeud gordien de cette famille. Il s'agit du dialogue entre les souvenirs du narrateur enfant, des rapports de celui-ci avec son frère, ses parents, ses grands-parents, oncle et tante et de l'adulte qui écrit ses réflexions, ses sentiments, ses souvenirs, et la construction mentale qu'il a fait de tout cela.
C'est une écriture délicate, touchante sensible et dans laquelle chaque lecteur peut se reconnaître malgré la singularité des destins de chacun. Pour une raison étrange, pour lui, cet enfant, Salomon, s'est noyé dans un lac profond et maléfique de la région de son enfance. Cette mort mystérieuse pour le narrateur, fait l'objet d'une lourde culpabilité partagée par tous les membres de sa famille.
Le titre est Deuils, il aurait pu s'appeler Culpabilité. C'est à la fin du récit que l'on comprend pourquoi.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (164) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
372 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}