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Critique de Isacom


"Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
Il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim"
Là où Prévert dit tout de la misère humaine en deux vers, Knut Hamsun prend, lui, 182 pages.
Plutôt que le son, il convoque d'autres sens : la vue des vitrines bien garnies, l'odeur de la viande grillée.
Et quand Prévert parle de l'universel, le narrateur de "Faim" ne parle que de lui-même – le sort s'acharne sur lui exprès, le monde est méchant.
Bon, j'avoue une certaine prévention contre Hamsun, ce prix Nobel de littérature qui a fait cadeau de sa médaille à son meilleur ami... Joseph Goebbels. (Au moins dans "Faim", pas de propos antisémites ou homophobes comme dans "Au pays des contes". le narrateur est trop occupé à contempler son propre nombril.)
À la fin de ma lecture, j'avais donc en tête un avis lapidaire sur ce court roman : quelques semaines de déambulations absurdes d'un auteur affamé, à Oslo, dans les années 1880.
Auteur de quoi, on ne sait pas trop : il tente de vendre des articles à un journal, une pièce à un directeur de théâtre.
Bien entendu, ça foire.
Au début il est logé, habillé et rasé de près. Au fil des semaines il perd tout : son logement faute de payer le loyer, ses vêtements qu'il dépose chez le prêteur sur gages, et son "carnet de coiffeur", sorte d'abonnement qu'il offre à un ami.
Car il a des amis, il a des relations, il a du talent ; il pourrait s'en tirer mais la faim ainsi que son sens de l'honneur – à géométrie variable – le mènent à des conduites totalement absurdes, hallucinées… et contre-productives.
Bref, encore un ouin-ouin.
Mais.
Mais j'ai lu ensuite la préface de l'excellent traducteur Régis Boyer, qui m'a ouvert des horizons.
Selon lui, Hamsun tire prétexte de la faim du narrateur pour expérimenter un style d'écriture qui serait précurseur du courant de conscience, 40 ans avant Joyce.
Et j'avoue, vu sous cet aspect, le roman prend une autre tournure.
Parce que, même si les opinions de l'auteur me révulsent, il me faut malgré tout l'admettre : il écrivait rudement bien.

Challenge Nobel
Challenge solidaire 2024
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