AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 799 notes
Lu en Avril 2016 suite suggestion de Babelio.... suite mon envie de recenser les Nobels de Littérature... suite à vouloir décrocher une insigne Novice en Littérature du Grand Nord ....suite Questions pour un Champion et son célèbre "4 à la suite" ;-)
Comme vous en avez pris l'habitude maintenant, je ne vais pas vous résumer ici l'histoire sans fin, d'un gars qui galère, fin XIXe, sans toit, dans les rues d'Oslo, qui se dispute avec un chien pour un os à ronger, bref qui n'arrive même pas à mettre faim à son cauchemar ! c'est peu dire !!
Je vous rappelle que pour les résumés, c'est "info" en tête de page, 4em de couverture, critiques éditeurs et résumés membres....
Par contre, par le plus curieux des hasards, sortie de Bibliothèque de Rennes Nov2016, je tombe sur un DVD film de Henning Carlsen (1966): "La Faim"....les cinéphiles apprécieront la sélection pour la Palme d'Or et le Grand Prix d'interprétation pour Per Oscarsson à Cannes en 1966 (les Césars c'est à partir de 1976, comble pour un Oscar son !) , clou de ma surprise, en Bonus : Entretiens (2002) Régina Hamsun (petite fille de Knut) avec Paul AUSTER !!!!!
Rappelez-vous "Moon Palace" de P. Auster, (ici, vous êtes obligés d'interrompre votre lecture, pour consulter (et apprécier !!) ma critique, où déjà, je faisais allusion à une certaine similitude entre ces deux romans !!!
Tout ça, pour vous dire, que Réalisateur et Acteur ont réussi avec brio à nous restituer sans conteste, la concrétisation d'une introspection, de nous projeter la vision d'une âme, de nous faire toucher à sa faim... le best, le fin du Faim, Prix mérités, mais c'est vrai "la Faim" justifie les moyens ! ! !
Commenter  J’apprécie          8612
La Faim nous raconte l'histoire d'un écrivain qui ne parvient pas à vivre de sa plume et qui, petit à petit, s'enfonce dans la pauvreté. Luttant jour après jour contre la déchéance qui le menace, ce héros (dont le nom ne nous est jamais clairement révélé) a de moins en moins de temps pour écrire les articles et histoires qui pourraient le sauver de la misère.

C'est probablement la première fois que je lis un roman où le thème de la psychologie du personnage s'insère aussi bien dans la prose de l'auteur. En général, quand on rencontre un récit "psychologique", celui-ci a tendance à être ennuyant. Avec La Faim, Knut Hamsun parvient à nous décrire les obsessions de son personnage sans jamais nous ennuyer. Il est d'ailleurs impossible de lâcher le roman avant de savoir ce qu'il advient de cet homme qui, pour son art, est prêt à souffrir les pires humiliations et difficultés. Et son destin ne nous est révélé qu'à la toute dernière page du récit...
J'ai retrouvé, dans La Faim, un véritable "flux de conscience" digne de Virginia Woolf. Les pensées du héros nous sont exposées de manière brute, sans fioritures inutiles et elles finissent par devenir tout à fait fascinantes malgré le délire qui s'en dégage. Cet homme semble devenir fou sous nos yeux et une série de questions commence alors à s'imposer à notre esprit : devient-il fou à cause de la faim qui le torture (car il n'a plus d'argent pour se loger ou se nourrir) ? Ou était-il déjà fou avant et cette folie l'empêche-t-elle de finir les récits qu'il commence (en entraînant sa déchéance et sa malnutrition) ? Va-t-il mourir là, sous nos yeux ; ou une bonne âme va-t-elle le sauver in extremis ?

Une preuve supplémentaire du talent de Knut Hamsun est le fait que le personnage principal se retrouve toujours dans les mêmes situations sans jamais ennuyer ou lasser son lecteur. Dans chaque partie du récit, on retrouve la même structure : le héros tente d'écrire un article qui le rendra célèbre et lui permettra de vivre de sa plume. Il n'y parvient pas et se retrouve à la limite de l'indigence. Quand sa situation semble totalement désespérée et que l'on s'attend à le voir mort dans les pages qui suivent, il parvient à terminer son article et à le faire publier.
Cette situation se répète encore et encore ; le héros semble accomplir tous les jours le même parcours dans la ville de Kristiana ; et pourtant, on a chaque fois l'impression de lire un pan inédit de l'histoire de cet homme. Rien n'est lassant dans la plume de Knut Hamsun qui parvient toujours à insérer une sorte de suspense dans ce drame dont on connaît pourtant le dénouement...

Encore une très belle découverte grâce au Challenge 15 Nobel 2013-2014 de Gwen21.

Challenge 15 Nobel : 10/15
Commenter  J’apprécie          636
« La faim », c'est un peu l'anti « Bel Ami ». le héros fait aussi profession de journaliste, si l'on peut dire, mais a lui un véritable talent, n'en tire que quelques sous, et surtout échoue dans tout ce qu'il entreprend. L'amour, il ne part pas le chercher, il ne fait qu'en rêver ; et c'est de lui-même qu'il vient à lui – mais là aussi il échoue misérablement.

Rien n'est plus éprouvant à lire que la description d'un homme lancé dans l'autodestruction. La faim le ronge, et plus encore la fierté. le peu de nourriture qu'il parvient à trouver, souvent il la vomit. Les quelques malheureuses pièces qu'il parvient à se procurer, par son travail ou par chance, il finit toujours par les gaspiller sur un mouvement d'orgueil. A travers les rues de Copenhague, il traine sa misère et ses vêtements en loque, hurlant et gesticulant comme un fou. Pris de subite colères, il débite les pires sottises à des inconnus. de minuscules évènements le jettent dans de terribles transes. Quand à la jeune fille qui l'aime, il l'a confondue avec l'être issu de son imagination, et il est dur de dire lequel des deux il aime.

Rien de plus terrible que cet homme dont on suit la chute, qu'on voit peut à peut se transformer en loque déchirée, recroquevillée, broyée par la misère… Hamsun fut beaucoup de choses, mais il fut aussi cet être-là.
Commenter  J’apprécie          542
Il n'y aurait pu avoir meilleur titre à ce livre que "la Faim"; c'est elle qui domine le récit et qui mène le narrateur dans une spirale qui semble sans fin. Ce narrateur est un jeune homme qui tente de survivre dans les rues de Christiana, l'actuelle Oslo. Nous sommes à la fin du dix-neuvième siècle. Petit-à-petit, inéluctablement, il perd son logement, ses affaires qu'il apporte au clou une à une, et la dernière chose qui lui reste est sa dignité. Que dis-je, un amour propre - et compréhensible mais parfois insupportable pour le lecteur- qui l'empêche d'accepter l'aumône et le réduit à une âme tourmentée par la faim. Il en perd la raison, a des visions, passe d'une émotion extrême à l'autre, jusqu'à ce que, brièvement, la chance lui sourie à nouveau.
Toute la narration se fait par la subjectivité totale du protagoniste mais on devine la pitié et un étonnement peiné dans ces regards étrangers posés sur lui, là où lui-même imagine indignation, admiration ou amour.
Ce roman autobiographique, dit Octave Mirbeau dans la préface - est écrit avec une concision remarquable et un point de vue très travaillé. Vu à rebours, le personnage pourrait être cette figure du Cri de Munch, totalement emprisonnée, dominée par sa souffrance.
Régulièrement, aussi, dans son allure, sa fierté qui en devient parfois ridicule, ses accès de colère, de désespoir puis de compassion, le personnage m'a fait penser à Charlot et, j'avoue, malgré le côté tragique, j'ai parfois souri.
Il s'agit pour moi d'une relecture, et je confirme que c'est un récit qui reste longtemps ancré en nous quand on l'a lu, quand on marche dans la rue, quand on croise, quotidiennement, des dizaines de personnes qui se trouvent dans la même situation, bien malgré elles et qui explique pas mal de comportements. Bref, c'est un roman qui n'a rien perdu en actualité et qui possède une grande force mais aussi une tendresse pour ce pauvre garçon plein de bonne volonté qui perd pied malgré sa lutte.
Commenter  J’apprécie          543
Christiania, 1884. Un jeune homme erre dans les rues de la ville, en guenilles, le teint hâve, les traits tirés. C'est Knud Pedersen, qui sera plus tard plus connu sous son nom de plume Knut Hamsun, futur prix Nobel de littérature, et parfois surnommé le « Dostoïevski norvégien ».

Pedersen a quitté les îles Lofoten, cette région sauvage aux paysages impressionnants et au climat rude, et a fui son oncle autoritaire et pieux pour tenter sa chance dans le milieu littéraire de la capitale de la future Norvège.

Le pays est alors très pauvre (eh oui difficile d'y croire, mais nous sommes bien avant l'exploitation des puits de pétrole et des gisements miniers qui fera l'immense richesse de la Norvège moderne) et le jeune homme doit lutter jour après jour pour manger.

La faim, qui compte au nombre de ses admirateurs Gide, Mirabeau, Paul Auster, est le récit de cette période. Tous les jours, il faut trouver à manger, et parfois tromper l'estomac en mâchonnant de simples copeaux de bois.

Hamsun partage ici cette expérience de la faim, en en décrivant chacun des stades: maux de tête, nervosité, étourdissement, crampes au ventre, vomissement, chute de cheveux, troubles de la vue, peur, nausées causées par sa propre salive, hallucination, accès de paranoïa, … jusqu'aux sens exacerbés, jusqu'à la dissolution de l'être qui n'est pas sans rappeler les expériences extrêmes des ascètes hindous et autres mystiques.

Au-delà de la faim, de cette expérience physique, l'auteur révèle son caractère, sa honte d'être pauvre, sa douleur de ne pouvoir donner aux mendiants et la joie de donner le peu qu'il a, son sens aigu de l'honnêteté et de la droiture. Dieu en prend pour son grade, car Hamsun ne craint pas de l'interroger sur ses desseins, sur sa pseudo bonté, comportement assez atypique dans la Norvège pieuse et conventionnelle de cette fin de XIXème. On découvre un homme fier à en crever, qui tient peut-être bien plus à sa dignité qu'à la vie, et qui garde toujours une once d'espoir, certain que les choses finiront par s'arranger. C'est un bel exemple de ténacité.

Ténacité aussi dans la volonté d'écrire, dans la conviction de sa vocation d'écrivain. En effet, Hamsun témoigne ici aussi de ses débuts créatifs. Il nous parle de sa facilité à inventer des histoires, à « baratiner » comme on dit avec un certain dédain. Il décrit son processus de création et décortique les mécanismes mentaux en jeu. Peut-être est-ce d'ailleurs pour cette introspection du personnage principal, sorte d'anti-héros, qu'on l'appelle le Dostoïevski norvégien ? Il nous plonge au coeur de ses crises de doute et d'inspiration, quand les mots ne viennent pas, quand ils fuient à la moindre distraction, ou au contraire quand ils jaillissent comme une source et vous prennent d'assaut.

Personnellement, contrairement à une idée largement répandue, je ne crois pas qu'il faille avoir vécu un traumatisme, quel qu'il soit, pour être un artiste. Je pense que le point commun à tous les artistes est une grande force de caractère: s'accrocher coûte que coûte, se remettre en route après un énième échec et ne jamais douter d'être un jour reconnu. Et Hamsun ici nous donne une magnifique leçon de pugnacité, à garder à l'esprit les jours de doute.
Commenter  J’apprécie          488
Voilà un moment que je voulais entreprendre la lecture de de ce récit mais l'illustration de la première de couverture et le titre me rebutaient un peu... de plus cet oeuvre étant considéré comme un classique ( et pour moi lire un classique c'est synonyme de lecture scolaire) j'étais, je dois dire, méfiante!

Alors que dire? Sinon que c'est l'histoire d'un jeune homme qui a faim...

Une version adulte de la petite marchande d'allumettes de Hans-Christian Andersen qui aurait pu s'appeler le jeune marchand de papiers (le narrateur, Knut Hamsun, journaliste qui essaie de vivre de sa plume, de ses papiers sans trop de succès) avec tout de même de grandes différences.

Si le premier est un conte de Noël, La faim est le récit proche d'une expérience vécu par l'auteur, et si dans l'un , la mort délivre la protagoniste, dans l'autre c'est la fuite qui libère le narrateur d'une chute sans fin.
Mais les deux protagonistes sont affamés, épuisés, transis, fiévreux et en proie aux délires et ils partagent la même misère.

Si ce récit a été publié en 1890 il reste accessible et d'actualités. J'avoue que mes appréhensions n'étaient pas fondées car je suis rentrée facilement dans le texte.

En effet, la frénésie verbale du narrateur, au fil des tribulations professionnelles, privées, domestiques et amoureuses, entraîne le lecteur dans son sillage.

Nous suivons celui-ci dans sa recherche quotidienne de nourriture, de chaleur mais nous partageons avec lui les effets physiques (inanition) et physiologiques (il rend presque toujours ce qu'il ingurgite) de la faim.

Qu'il perde les cheveux par touffe, qu'il mâche des copeaux de bois, nous descendons avec lui aux portes de l'enfer.

A lire.
Commenter  J’apprécie          420
Sur le challenge XIXème siècle de Babelio,nous nous sommes posé la question de la date la plus pertinente à retenir pour marquer la fin du siècle littéraire et avions retenu 1914 comme marqueur d'un tournant definitif.
Plus je lis ce siècle et le début du suivant, plus il m'apparaît qu'une première ligne annonciatrice de la bascule se dessine dans la dernière décennie, avec des tonalités et des thèmes nouveaux qui émergent, et ce texte de 1890 me conforte dans cette impression.
Estomaquant, brutal, jamais vu avant (comme en témoigne en préface Octave Mirbeau lui-même porteur d'une voix nouvelle sur la période ), La faim porte une incandescence, une modernité et une universalité sublimes qui m'ont littéralement retourné les sens,bien longtemps après avoir séduit le jury du Nobel.
Pas de construction narrative élaborée, pas d'effets de style :rien que la voix d'un homme en permanence au bord de l'inanition,d'une intégrité absolue, dévoré par son orgueil, affamé dans un monde peuplé de silhouettes vides et de valeurs creuses qui ne le nourrissent pas.
Sidérant, dérangeant, ce texte âpre et tendu interpelle, y compris sur le fait que les dérives morales ultérieures plus que douteuses de l'auteur qui a encensé Hitler dans les années 30 puissent y être déjà contenues.
Commenter  J’apprécie          405
Knut Hamsun a su se doter sans le vouloir d'un publicitaire hors-norme en la personne d'André Gide. Ce dernier, pas mauvais déjà pour nous faire percevoir les méandres tortueux de l'âme humaine, écrit pourtant qu'il ne connait pas plus doué que Knut Hamsun pour s'offrir une petite promenade au fond des psychismes malmenés :


« Ah ! combien toute notre littérature paraît, auprès d'un tel livre, raisonnable. Quels gouffres nous environnent de toutes parts, dont nous commençons seulement à entrevoir les profondeurs ! Notre culture méditerranéenne a dressé dans notre esprit des garde-fous, dont nous avons le plus grand mal à secouer enfin les barrières ; et c'est là ce qui permettait à La Bruyère d'écrire, il y a déjà deux siècles de cela : « Tout est dit ». Tandis que devant La Faim on est presque en droit de penser que, jusqu'à présent, presque rien n'est dit, au contraire, et que l'Homme reste à découvrir. »


Mais le temps a passé et La faim ne semble plus si chamboulante qu'elle avait pu le paraître pour Gide, Breton ou Mirbeau, qui en étaient de fervents admirateurs. D'ailleurs, dans le domaine du renouvellement littéraire, ceux-ci oeuvrèrent également de manière décisive et ouvrirent peut-être la voie à une lignée d'écrivains qui se chargèrent de contredire La Bruyère en nous faisant comprendre que tout n'a pas encore été dit –en tout cas pas dans toutes les formes décemment imaginables.


L'histoire de la faim s'apparente à la quantité des substances ingérées par son narrateur et se résume à peau de chagrin : journaliste sans poste fixe, l'argent ne suffit plus à subvenir à ses besoins et plutôt que d'accepter un poste qui ne convient ni à ses ambitions, ni à ses compétences, et plutôt que de recourir à une mendicité jugée humiliante, le narrateur préfère errer toute la journée dans les rues d'Oslo, gaspillant ainsi ses dernières forces dans l'espoir de faire surgir dans son esprit le papier qui lui rapportera enfin de l'argent et –qui sait ?- de la reconnaissance.


Qui a déjà essayé de vadrouiller au hasard des rues en se proposant de fixer son attention sur un seul sujet de réflexion sait combien il est difficile de ne pas se laisser perturber par les distractions extérieures et par la volatilité de sa concentration. Notre journaliste n'échappe pas à ce papillonnage et c'est à la lecture de ces pensées éparses que nous convie Knut Hamsun. Virginia Woolf popularisera ce type de narration un peu plus tard avec Mrs. Dalloway, ne parvenant toutefois pas à introduire cet élément perturbateur qui fera toute l'étrangeté du récit de Knut Hamsun : la faim.


La faim est représentée sous la forme d' « un essaim de petites bêtes malfaisantes [qui] avaient pénétré dans mon être intime et l'avaient évidé ». Oui mais jusqu'à quel point ? Au moment où le journaliste nous confie cette impression, sa personnalité –quoique déjà un peu bancale- reste encore stable et certaine. Au fil du temps, la fatigue, la famine et la solitude aidant, une déchéance de plus en plus profonde s'installera. Corps et âme ne sont pas séparés et la misère s'inscrit à plusieurs niveaux, dans la moindre résistance de la capacité physique et dans l'impossibilité de plus en plus tenace à mener une réflexion cohérente jusqu'au bout. Cercle vicieux d'abord motivé par la fierté qui empêchera finalement le journaliste d'accéder à toutes ses ambitions littéraires.


La description de l'état de famine est plus clinique que psychologique. le ton auquel recourt Knut Hamsun est simple et clair. Il nous donne l'impression d'une observation médicale et pourtant, pas une page ne se passe sans que le journaliste ne nous fasse parvenir un listage précis des sentiments et des pensées qui le traversent. Même au faîte de la famine, le journaliste ne nous semblera finalement pas si dérangé qu'il essaie bien de nous le faire croire. Ce caractère continuellement raisonné du discours, bien que permettant une lecture fluide et jamais désagréable, constitue cependant la caractéristique qui ne nous permet pas de suivre André Gide jusqu'au bout de son engouement. Non, Knut Hamsun n'est pas allé se promener jusqu'aux abysses de la psyché humaine : il nous a permis d'en mesurer la profondeur et d'en apercevoir la noirceur, mais au moment de plonger, il s'agrippe aux rebords de la raison. Son discours n'est qu'un écho des dangers auxquels a échappé son personnage. Il en reste, cependant, une velléité d'écriture certainement rare pour un roman publié en 1890.
Lien : http://colimasson.over-blog...
Commenter  J’apprécie          408
"Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
Il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim"
Là où Prévert dit tout de la misère humaine en deux vers, Knut Hamsun prend, lui, 182 pages.
Plutôt que le son, il convoque d'autres sens : la vue des vitrines bien garnies, l'odeur de la viande grillée.
Et quand Prévert parle de l'universel, le narrateur de "Faim" ne parle que de lui-même – le sort s'acharne sur lui exprès, le monde est méchant.
Bon, j'avoue une certaine prévention contre Hamsun, ce prix Nobel de littérature qui a fait cadeau de sa médaille à son meilleur ami... Joseph Goebbels. (Au moins dans "Faim", pas de propos antisémites ou homophobes comme dans "Au pays des contes". le narrateur est trop occupé à contempler son propre nombril.)
À la fin de ma lecture, j'avais donc en tête un avis lapidaire sur ce court roman : quelques semaines de déambulations absurdes d'un auteur affamé, à Oslo, dans les années 1880.
Auteur de quoi, on ne sait pas trop : il tente de vendre des articles à un journal, une pièce à un directeur de théâtre.
Bien entendu, ça foire.
Au début il est logé, habillé et rasé de près. Au fil des semaines il perd tout : son logement faute de payer le loyer, ses vêtements qu'il dépose chez le prêteur sur gages, et son "carnet de coiffeur", sorte d'abonnement qu'il offre à un ami.
Car il a des amis, il a des relations, il a du talent ; il pourrait s'en tirer mais la faim ainsi que son sens de l'honneur – à géométrie variable – le mènent à des conduites totalement absurdes, hallucinées… et contre-productives.
Bref, encore un ouin-ouin.
Mais.
Mais j'ai lu ensuite la préface de l'excellent traducteur Régis Boyer, qui m'a ouvert des horizons.
Selon lui, Hamsun tire prétexte de la faim du narrateur pour expérimenter un style d'écriture qui serait précurseur du courant de conscience, 40 ans avant Joyce.
Et j'avoue, vu sous cet aspect, le roman prend une autre tournure.
Parce que, même si les opinions de l'auteur me révulsent, il me faut malgré tout l'admettre : il écrivait rudement bien.

Challenge Nobel
Challenge solidaire 2024
Commenter  J’apprécie          3910
C est pour des livres comme celui-là que je lis. Une découverte de cette ampleur à mon (grand) âge, j'avoue ne pas y avoir songer en débutant "la Faim". Et pourtant.. Chef d'oeuvre, voilà voilà, et c'est tout !! le sujet? Un pauvre homme, vivant d'expédient, tentant souvent vainement d'écrire des articles pour les vendre à un journal, crève de faim.
c'est le monologue, entrecoupé de dialogues qui fait la force de ce livre. On suit le personnage avec passion, avec espoir mais surtout avec une immense tristesse.
Il y a des tonalités russes dans ce roman. La fierté, l'orgueil, la religion, la "raison" mais aussi la folie sont les toiles de fond de "la Faim".
Les dialogues semblent sortis d'un Dostoïevski
C'est un roman court (moins de 300 pages dans l'édition de poche), mais énorme de part son sujet, si simple (!!) et sa qualité littéraire.
Bref, un monument de littérature.
Commenter  J’apprécie          396




Lecteurs (1833) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11134 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..