Dans le cadre de Masse critique, j'ai reçu ce petit roman de
Knut Hamsun que les Editions Gaïa viennent de rééditer. D'autres romans du grand écrivain norvégien doivent bientôt paraître aux mêmes éditions. C'est toujours avec un grand plaisir que je lis cet auteur que j'avais découvert grâce à un autre écrivain,
Henry Miller, qui l'admirait.
L'oeuvre de
Knut Hamsun tourne sans cesse autour de cette dualité : la société des hommes est corruptrice et cruelle aux âmes pures, la nature est le refuge de ces mêmes âmes, consolatrice et sans faux-semblant. La nature est présente dans «
Victoria », comme élément de décor, et n'a pas cette place centrale qu'elle occupe dans d'autres romans, comme «
Pan » par exemple.
Hamsun axe son histoire sur cet autre thème récurrent dans son oeuvre : l'amour, ce fruit de la nature souvent contrarié par la volonté des hommes.
“Quelqu'un demande ce qu'est l'amour. On répond : « L'amour, c'est un vent qui murmure dans les rosiers avant de tomber. Mais il peut être aussi un sceau inviolable jusqu'à la mort. Dieu a créé plusieurs types d'amour, ceux qui durent et ceux qui s'évanouissent. » ”. Johannes aime
Victoria. Ils se connaissent depuis l'enfance. Il est fils de meunier, elle est fille d'un châtelain désargenté. Johannes part vivre en ville, où il publie des poèmes qui lui apportent une petite célébrité grâce à laquelle il espère gagner le coeur de
Victoria. Un jour, il rencontre
Victoria de passage pour quelques jours en ville. Il apprend alorsque la jeune fille est fiancée à Otto, riche jeune homme, mais que c'est lui, Johannes, qu'elle aime. Elle le pousse cependant dans les bras de Camilla, une jeune fille de bonne famille qu'il a sauvée de la noyade quelques années auparavant, et amoureuse de son sauveur.
On est plus proche avec
Hamsun de la tragédie antique que de la bluette sentimentale. le chassé-croisé amoureux mènera tout droit au drame.
Victoria confesse son amour à Johannes mais, poussée par son devoir envers sa famille, le repousse. D'espoir en rebuffades, Johannes navigue constamment entre exaltation, révolte et résignation. Camilla incarne quant à elle le côté solaire de l'amour, jeune fille portée par ses envies, innocente et insouciante, légère et versatile. L'amour chez
Knut Hamsun est loin d'être un chemin pavé de roses.
Ce qui frappe chez
Hamsun est ce style d'une grande pureté, presque élégiaque, tout en retenue comme le sont les personnages alors que s'agitent en eux des sentiments violents et exacerbés. Derrière les attitudes froides et compassées dictées par une société puritaine et socialement figée se dissimulent souvent des désirs contrariés. Les personnages d'
Hamsun sont fragiles, au bord de la rupture, désabusés, d'une sensibilité maladive et, pour ne rien arranger, ravagés par l'orgueil. Cette faille existentielle les conduit inexorablement à la révolte, plutôt sous la forme du repli sur soi que de la confrontation avec autrui. Une grande tension sourd entre les lignes, mais également beaucoup d'émotion, à l'image des dernières pages bouleversantes de «
Victoria ».