Moi qui croyais te connaître

Les commérages allaient bon train, dans ce village. Souvent, les gens savaient ce que vous alliez faire avant même que vous ayez pris votre décision. Du coup, on ne pouvait pas se permettre de changer d’avis. Les personnes les plus sympathiques en apparence pouvaient s’avérer d’affreux donneurs de leçons.

Certaines femmes n’affirmaient-elles pas qu’elles étaient capables de deviner quand leurs filles avaient perdu leur virginité ? Qu’elles le lisaient dans leurs yeux, l’expression de leur visage. Une sorte de dureté.

Entendre insulter son enfant, c’est bien pire que de se faire insulter soi-même. C’est comme si l’on attaquait le cœur de qui vous êtes. Et c’était profondément injuste.

Un viol vous dépossédait de toute estime de soi, de votre assurance et de votre identité.

" Notre amitié, avait-elle déclaré un jour, c’est l’intersection d’un diagramme de Venn. D’un côté, il y a mon amour du fitness, des fêtes et de la danse, de l’autre, ton amour de la littérature, de la cuisine et du féminisme, mais l’intersection, c’est notre vie émotionnelle. Et c’est là qu’on se complète à la perfection, là où on se comprend absolument. "

Elle était plus vaniteuse que moi et prêtait une grande attention à ses vêtements, aux chaussures qu’elle allait porter. Sa vie amoureuse était un sujet d’intérêt constant pour elle, que j’aie envie d’en entendre parler ou pas. Elle était tatillonne pour ce qui concernait l’argent, ne dépensant jamais un sou de plus qu’elle n’en possédait pour notre cagnotte, tandis que moi, je partais du principe que les comptes s’égaliseraient à la fin. Pourtant, malgré nos différences, nous étions inséparables.

Je sais pourquoi les femmes – les filles – gardent le silence. Je connais leurs raisons. Alors je devrais croire ce que Julia me raconte. Cela dit, ça, c’est la théorie. La réalité est différente. La réalité est toujours plus insaisissable, plus floue.

Je suis passée en mode « professeur » et je gère la situation comme je le ferais avec l’un de mes étudiants. J’attends que les émotions s’apaisent afin qu’on puisse atteindre un terrain ferme sur lequel s’appuyer pour analyser ces allégations ridicules.

Selon une sorte de règle tacite, chacune de nous défend l’enfant de l’autre. Surtout quand on est au bord du craquage nerveux avec le sien propre.

Ce doit être tellement plus compliqué d’avoir à gérer une fille. Avec les diktats qu’elles subissent de la part des réseaux sociaux pour avoir telle apparence, il faut déployer des efforts surhumains pour parvenir à les convaincre qu’elles sont très bien comme elles sont.