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Critique de Musa_aka_Cthulie


En 1986, je suis partie en Allemagne pour plusieurs semaines de séjour linguistique. Après un lever aux aurores et je ne sais combien d'heures de voyage, je suis arrivée à destination vers minuit, dormant debout devant ma famille d'accueil, qui m'a gentiment parlé et posé des questions pendant le trajet jusqu'à la maison. Horreur : tout mon allemand s'était envolé, je n'étais plus capable de répondre que deux phrases : "Ich verstehe nicht. Ich bin müde."*Je devais être vaguement honteuse de ne pas pouvoir aligner plus de six mots, et en même temps tellement crevée que, de toute façon, un seule chose m'importait : dormir. Ce que j'ai fait jusqu'à très tard dans la matinée. Au bout de deux-trois jours, ma famille allemande s'est aperçu que j'étais une grosse bavarde et que la langue n'allait pas franchement être une barrière entre nous (ils ont dû être sacrément soulagés, ce qui fut hélas probablement compensé par mon manque patent de pratique sportive). Je suis revenue de mon séjour avec vachement plus de vocabulaire qu'à mon départ, vocabulaire que j'ai perdu à force de fainéantise au cours des trente-six années qui allaient suivre. En tout cas, je passais pour un génie des langues - au rabais, certes, et extrêmement paresseux, tout le monde s'accordait là-dessus - dans mon lycée. On passe un peu vite pour un génie, même au rabais, pour pas grand-chose, parfois (ça n'a d'ailleurs bizarrement pas duré). Und heute...**


Et aujourd'hui, en sus d'avoir oublié quasiment tout mon allemand, je me sens fatiguée, lasse, et atrocement stupide. Peut-être n'était-ce pas réellement une bonne idée de lire Essai sur la fatigue de Peter Handke alors que j'étais crevée. Mais après tout, j'étais bel et bien enchifrenée quand j'ai lu de la maladie de Virginia Woolf (bon, c'est vrai, j'ai triché : je suis enchifrenée toute l'année). Et puis c'était censé être court. Et puis j'ai pensé que ça valait la peine d'essayer, et que, comme la maladie, la fatigue était un sacré bon sujet. Or à cet instant précis, si je n'avais pas le titre de cet essai en tête, je ne suis même pas sûre que je me souviendrais de quoi il est question. D'ailleurs il ne s'agit pas de se souvenir. J'ai rien compris. Rien.


Alors oui, ça parle d'une fatigue d'enfance à l'église, et puis d'une fatigue d'étudiant, et de la fatigue de se retrouver ensemble, en couple (mais de quoi ça parlait exactement, cette fatigue d'être ensemble, en couple, je n'ai pas saisi, ça ne ressemblait pas du tout à ce que vos amis vous disent quand leur couple va mal, mais enfin pauvre idiote, est-ce que tu crois que Handke va parler de la fatigue du couple comme n'importe qui, évidemment que non, arrête de parler pour ne rien dire, surtout que visiblement tu n'as rien à dire du tout) et de moissonneuses-batteuses (je crois) et du peuple de la fatigue avec ses charpentiers, de la fatigue de faire des allers-retours avec des brouettes de ciment pour bâtir la nouvelle maison familiale, de la non-fatigue des bourgeois qui trouvent que la fatigue c'est pas classe, de la non-fatigue des employés administratifs, de la fatigue du travail de je ne sais plus quel métier du bâtiment (je crois), de la fatigue d'écrire, d'un lièvre qui se fait attraper et tuer par un chien, d'un serpent qui se fait massacrer à coups de cailloux par des enfants (l'auteur a expliqué pourquoi ces deux derniers passages atroces, seulement j'ai rien saisi, d'ailleurs "expliqué" n'est pas forcément le terme adéquat). J'ai oublié le reste.


C'est écrit sous forme de dialogue avec soi-même (je crois), avec de très longues phrases. Que j'aurais pu lire en allemand ou en n'importe quelle langue (en finnois, mettons, pourquoi le finnois me direz-vous, et pourquoi pas, hein ? Évidemment que ce n'est pas la langue de Peter Handke, mais est-ce bien important quand de toute façon on ne comprend pas ce qu'on lit ? Ah, vous faites moins les malins, là !)... Donc, j'aurais pu lire la traduction en finnois, vu ce que j'en ai retiré. J'aurais même pu apprendre quelques mots en finnois, tiens. Et je me serais sentie toute guillerette à l'idée d'en mettre plein la vue aux autres avec trois mots de finnois, au lieu de m'endormir au milieu du bouquin en me demandant "Comment peut-on ne pas comprendre un bouquin à ce point ?", de reprendre et de terminer la lecture le lendemain, tout en me demandant si lire Kant (en français, hein, parce que faut pas abuser non plus) était aussi pénible que dans mon souvenir (probablement que oui).


Qu'a voulu dire Peter Handke sur la fatigue ? Je n'en sais rien. J'ai tenu bon jusqu'au bout pour le découvrir, mais il semble que je n'aie pas le niveau. Et - est-ce l'effet de la fatigue que j'éprouvais déjà avant de lire cet Essai sur la fatigue et qui n'a fait que s'amplifier depuis ? -, je me refuse à penser que Handke a écrit ça juste pour faire le malin. Je suis persuadée qu'il avait un truc à dire. Et soit il fait mal passer ses messages, soit il est nécessaire de posséder certains prérequis pour saisir lesdits messages (il est évident qu'en cas de nécessité de prérequis, je suis hors-jeu). C'est pas grave. Ca faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi idiote, mais ce ne sera pas la dernière, aussi un peu d'entraînement ne fait-il pas de mal de temps à autre.


Me 'zo skuizh...***
(Sur ce, je vais aller boire un bon coup de chouchen et me remettre au lit. En pleine journée. Oui. Danke**** Peter pour avoir fait de moi une alcoolique dépressive. Wunderbar !*****)



* Je ne comprends pas. Je suis fatiguée.
** Et aujourd'hui...
*** Je suis fatiguée... [en breton]
**** Merci
***** Vous avez tous vu Django Unchained de Tarantino (pas de "non" accepté), je n'ai donc pas besoin de traduire "wunderbar"
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