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Critique de pleasantf


Il me semble qu'il est difficile de comprendre cette pièce de Handke si on ne prend pas en compte quelques éléments de contexte. Handke l'écrit en 1966 à l'âge de 24 ans. Il vient juste de publier son premier roman, il est proche de mouvements littéraires et artistiques autrichiens qui prônent des expérimentations radicales. Outrage au public est sa première pièce et le jeune Handke est un écrivain débutant qui en quelque sorte cherche encore son brevet de bonne conduite avant-gardiste.


Nous sommes au milieu des années 60 et la radicalité artistique ne connaît pas encore de limites, même si elle s'en rapproche. En littérature, des mouvements comme le Nouveau Roman en France qui remettent en cause l'idée de personnages et d'intrigue existent depuis moins de 10 ans. le happening qu'on n'appelle pas encore ‘performance' est une forme d'art qui se développe. Nous sommes au moment de l'éclosion du minimalisme en art qu'un de ses représentants décrit un jour en ces termes : ce que vous voyez est ce que vous voyez (sous-entendu : ‘et rien d'autre'). Appliqué au théâtre, ces idées d'avant-garde donnent cette pièce de Handke qui ne livre aucune image du monde, ne figure rien, ne représente rien, ne raconte rien, ne fait appel à aucun symbolisme, à aucune transcendance. La pièce est une manifestation de la réalité sous la forme d'acteurs s'adressant au public et énonçant une suite de mots. Deux ans plus tard en 1968, Handke publie un article dans lequel il se situe aux antipodes du théâtre de Brecht dont l'engagement politique lui paraît trop simpliste et trop éloigné de la réalité.


Outrage au public et les autres pièces parlées sont des pièces d'artillerie qui viennent alimenter une guerre théorique sur la nature du théâtre. Cette guerre est aujourd'hui achevée mais il est intéressant de voir que les batailles d'alors ont contribué à renouveler le théâtre en s'attaquant à certaines conventions. Ainsi Handke cherche à sortir le public de son confort douillet ; les acteurs s'adressent directement aux spectateurs et la confrontation peut aller jusqu'à l'insulte. Sur un plan plus technique, il remet en cause par exemple l'usage de l'éclairage (de même intensité sur la scène et dans la salle), du décor ou il déplace les frontières de la pièce (la pièce commence pendant que les spectateurs s'installent ; ceux-ci peuvent entendre ce qui se passe dans les coulisses…).
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