Nous ne savons pas nous passer d'illusions. Certaines illusions nous sont propres, elles sont notre oeuvre et témoignent de notre histoire individuelle. D'autres sont communes à un groupe, une communauté, une nation. Les mythes et les idéologies sont des formes d'illusions collectives qui remplissent une fonction commune à toutes les illusions : nous fournir à relativement peu de frais un sentiment de maitrise en encadrant notre imaginaire dans un récit ou la représentation qui le structure et le stabilise. (page 48)
Ainsi par exemple la religion chrétienne admet, depuis l'origine, l'égalité de tous les êtres humains : "il n'y a ni juif ni grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme : car tous vous ne faites qu'un devant le Christ" (Saint Paul, Épitre aux galetas, 1er siècle av. J.C). Tous les hommes sont ici égaux moralement ou métaphysiquement, c'est à dire, en l'occurrence, devant Dieu mais cette égalité n'exclut absolument pas la soumission réelle de la femme à l'homme, par exemple, ni l'esclavage. (page 188)
L'altérité du visage étranger devient inquiétante lorsque l'autre cesse d'être celui que l'on croyait (un sous-homme) ou n'est pas tel qu'on voudrait qu'il fût (chrétien, monogame et bien élevé). La barbarie du barbare est en revanche parfaitement conciliable avec notre condition d'êtres "civilisés" - et seuls civilisés. (page 104)
Évitons tout malentendu : la croyance en dieu, selon Freud n'est pas une "erreur", à proprement parler, ou plus exactement , la question de savoir si cette croyance est vraie ou fausse n'est pas pertinente. Freud est très explicite sur ce point : l'illusion reste une illusion alors même que la réalité peut venir la conforter : "nous apprenons illusion une croyance quand, dans la motivation de celle-ci la réalisation d'un désir est prévalante, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, des rapports à cette croyance avec la réalité, tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le réel. L'illusion du prince charmant reste une illusion, même s'il arrive parfois qu'une jeune roturière soit enlevée par le fils d'un roi. (page 44)
A paraître en janvier 2016