Ceci est mon second ouvrage du Norvégien
Per Hansson, parce que j'estime que la situation pendant la dernière guerre mondiale dans le nord de notre continent est malheureusement fort inconnue. Dans "
Risquer plus que la vie", que j'ai critiqué ici le 18 novembre 2019, l'auteur a esquissé la situation de son pays, envahi par les nazis et avec à la tête du gouvernement un traître légendaire Vidkun Quisling, exécuté en octobre 1945.
Le présent ouvrage de
Per Hansson, mort d'un cancer en 1982 à l'âge de 59 ans, est probablement le seul ouvrage consacré à et en hommage aux membres de la marine marchande norvégienne. le titre vient du fait qu'à peu près un dixième des 25.000 marins a péri victimes de bombardements aériens et des torpilles lancées par des sous-marins nazis.
Plus de 800 cents navires ont ainsi sombré en mer.
Leur rôle a été vital pour les livraisons américaines de vivres, équipements et armes au Royaume-Uni par l'Atlantique. L'amiral Sir Gerald Charles Dickens (1879-1962) - le petit-fils de l'auteur célébrissime - a déclaré : "Si nous n'avions pas eu la flotte marchande norvégienne, nous aurions dû nous soumettre aux conditions d'Hitler".
Lord Philip Noel-Baker (1889-1982), plusieurs fois ministre, a ajouté : "Dans la bataille de l'Atlantique, les navires-citernes norvégiens pèsent aussi lourd que les Spitfires (avion chasseur monoplace) pendant la bataille pour la Grande-Bretagne".
Comme ce Lord a été le seul homme à gagner une étoile olympique (à Anvers en 1928) et à recevoir le
Prix Nobel de la paix (en 1959), je compte rédiger prochainement un billet de sa biographie, publiée par David J. Whittaker de 1989. En plus, sa douce moitié a été la meilleure amie de
Virginia Woolf (1882-1941).
La Suède étant neutre, les marins des pavillons de commerce norvégiens ont aussi aidé nombre de compatriotes et autres réfugiés à fuir les nazis en les débarquant à des endroits isolés de la longue côte suédoise.
Comme les marins étaient des gens fort simples et modestes, il n'existe, hélas, pas de témoignages écrits par ces braves gens courageux.
L'auteur s'offusque que le gouvernement norvégien ait fait si peu pour récompenser de façon juste et digne ces pauvres gens qui ont cependant si largement contribué à la victoire finale.
Pour ses marins il était "presque impossible d'obtenir une pension de guerre". Pour les membres de la marine marchande norvégienne qui ont survécu, mais physiquement ou psychologiquement handicapé, la vie d'après-guerre s'est avérée dure et pénible !
En l'absence donc de témoignages écrits,
Per Hansson s'est entretenu avec une cinquantaine de ces marins pour construire une espèce de roman collectif.
L'auteur ajoute que ces hommes avec qui il a conversé, "rêvent encore (le livre a été publié en 1967) qu'ils voguent dans des convois. Ils crient la nuit. Ils dorment portes ouvertes pour pouvoir se précipiter sur le pont !"
Je ne rendrais service à personne en tentant de résumer le récit fictif de
Per Hansson d'un convoi, d'un navire "l'Anna" et d'un héros Bosco imaginaires, mais reconstitué de façon si authentique.
En pleine guerre un convoi de 36 navires de type et taille différents avec plus d'un millier de marins à bord traverse l'Atlantique direction Angleterre. C'est le matin du 7e jour depuis leur départ aux États-Unis. Et tout à coup la catastrophe tant redoutée se matérialise : une attaque en règle par des sous-marins allemands. Dans un bruit d'épouvante, un navire à côté de l'Anna est touché irrémédiablement par une torpille teutonique et est renversé. 4 marins sur l'épave prête à sombrer supplient qu'on les sauve. Les ordres sont cependant très stricts : pas question de venir au secours, car un bateau à l'arrêt devient trop facile pour les lanceurs de torpilles. Par ailleurs, l'Anna par exemple est chargé de bombes d'avion, de réserves de dynamite et de nitroglycérine. Atteint par une torpille, il serait, en quelques secondes, "transformé en une mer de flammes desquelles personne ne sortira vivant".
J'ai juste voulu vous présenter le début du récit, pour illustrer la réalité de ces convois, et surtout la terreur des marins d'être les prochaines victimes d'une attaque en haute mer et, le cas échéant, la quasi-impossibilité de survie.
L'ouvrage de
Per Hansson est très bien documenté, écrit de façon captivante, mais est dur.
Il s'agit d'une page d'histoire pratiquement et scandaleusement ignorée. Si les militaires de la marine disposaient d'un corps d'armée pour prendre soin de leurs effectifs, les marins civils se trouvaient, au contraire, isolés et personne ne s'occupait vraiment de leur sort. À mon avis, c'est le grand mérite de ce livre d'avoir reconnu leur valeur et courage dans une lutte sans merci.