Citations sur Les Pionniers (36)
À quoi bon être riches ? Pourquoi introduire le ver dans ce beau fruit qu’est la vie, mes amis ? Faites que la terre donne, que vos garde-mangers soient remplis de crème, et reposez-vous sur votre galerie en vous balançant dans votre fauteuil. Mon Dieu, messieurs, devez-vous toujours acheter et vendre des choses pour être heureux ?
Petite, menue comme un oiseau, c’était une de ces personnes dont l’inlassable vigueur ne se nourrissait ni des satisfactions personnelles de l’existence, ni de l’espoir d’une récompense, ni de la peur de la mort, mais qui, un jour, se donneraient la mort en cessant tout simplement de vouloir vivre. Infatigable jusque dans la vieillesse, elle se levait tôt, s’occupait à diverses besognes au fil des heures et, le soir venu, étendue sur son lit, pensait au passé en fouillant sa mémoire telle une malle dans un grenier où étaient rangés soixante-dix ans de vie ; des noms, des événements, l’écho de certaines voix, l’image du premier mort qu’elle avait vu, l’odeur du lilas dans une pièce oubliée, des bribes de phrases, la main d’un garçon la caressant maladroitement, l’excitation et la culpabilité peintes sur son visage, le corps de son troisième fils piétiné par le cheval qui l’avait tué, la sensation veloutée de la poussière de l’été épaisse comme un tapis sous ses pieds nus, le hurlement d’une fille dans les bois de Turner, le son des cloches du dimanche, les yeux brillants de Simon Burke posés sur elle dans la salle de bal alors qu’elle venait de se marier – tout cela gisait pêle-mêle dans les tiroirs de son esprit ; l’émotion s’était dissipée, mais de temps en temps remontait quelque chose qui la troublait encore et elle restait alors silencieuse, l’air absent, toute la journée.
Les gens ont peur et construisent des murs. Les tribus construisent des murs. Les colons construisent des murs. Le monde est plein de murs. C’est une sale façon de concevoir la vie.
J'ai connu un vieux bonhomme à St Louis, autrefois, qui n'était pas loin de mourir. Il a dit que les seules choses qu'il regrettait dans sa vie étaient celles qu'il n'avait pas faites. Je ne serais pas étonné qu'il ait en grande partie raison. Tout ce que nous faisons entraîne des conséquences, même ce que nous ne faisons pas. Nous le payons. Alors, est-ce qu'on paie pour quelque chose ou pour rien ?
Nous avons grandi avec l'idée américaine qu'il était possible de partir de rien et de devenir riche ou d'être élu président. Telle est notre religion : croire que nous allions réaliser un rêve de prospérité, de bonheur, de viande dans nos assiettes, léguer à nos enfants davantage que nous n'avions reçu, et tout ce qui s'ensuit. En vieillissant, nous avons compris que nous risquions d'être déçus. Mais nous ne pouvions admettre que nous avions tort de rêver, car ce serait dire que l'espoir est une illusion. Alors, nous avons vu qu'il y avait des terres disponibles ici et nous sommes venus recommencer à zéro en espérant que ce qui ne marchait pas dans l'Est marcherait ici.
Eût-il tenté de se mettre en avant, il aurait éveillé la hargne de ces hommes qui s’estimaient tout aussi capables de tenir le rôle de meneur ; comme il restait à sa place, ils lui accordaient le respect qu’il n’avait pas demandé. Il savait néanmoins faire preuve d’habileté ; c’était un homme doté de fortes convictions, qui croyait en l’honnêteté des gens, mais reconnaissait aussi chez eux la présence tenace de préjugés, de superstitions et d’égoïsme ; il concevait en conséquence ses méthodes de persuasion afin de défendre, lorsque l’occasion se présentait, la cause qu’il jugeait bonne. Sur une plus grande échelle, il aurait été un homme d’État qui tempère ses idées avec bon sens et réalisme ; dans cette dure vie réservée aux humbles, il était le meilleur chef qu’ils puissent se donner.
Un homme est une drôle de chose. Livré à lui-même, il erre sans but ni consistance, comme un nuage de poussière balayé au-dessus du désert. Il n’est qu’un rêve en puissance jusqu’à ce qu’il regarde une femme, et alors il se voit lui-même, il comprend ce qu’il est, il devient réel. S’il ne suffit pas d’une femme pour le lui montrer, il en cherche une autre, car c’est un mouvement qu’il n’a pas le pouvoir d’arrêter.
Pour résister à l'assaut des éléments, il fallait se retirer dans ses pensées et dresser un rempart entre soi et la souffrance que l'on ressentait à l'extérieur, puis, quand les éléments transperçaient ce rempart, se retirer plus profondément encore dans sa chair et ériger un autre rempart. Le danger survenait seulement lorsque le dernier rempart était vaincu et que les éléments atteignaient cette petite cellule centrale où se logeait la volonté d'exister. À ce moment-là, le voyageur devenait un spectateur écoutant le combat entre sa volonté et l'intrus attaché à le tuer.
Nous avons cette vie à mener, le mieux possible en essayant de nous rendre utiles. Un espace de liberté et de joie est possible. Mais non, nous ne devons pas rire en attendant notre fin tragique. nous devons nous incliner devant des dieux courroucés et vivre dans la crainte. Alors que nous allons mourir bien assez vite, nous devons nous étrangler petit à petit avant de mourir. Il se frappa violamment la cuisse de la paume de se main. Quelle mascarade. S'il existe un Dieu doté de compassion, il doit être affligé par les barbaries que nous commettons au nom de la morale.
Lui eût-on soumis la proposition, Gay aurait préféré sans hésiter un gouvernement de mille insensés à celui d'un seul sage ; car au moins les mille insensés exprimeraient la volonté commune, alors que le sage ne parlerait qu'en son nom propre. Si les mille voulaient aller en enfer de la manière qu'ils avaient choisie, tel était leur privilège ; mais il n'appartenait certainement pas à un seul homme de les conduire au paradis s'ils ne le souhaitaient pas.