Thor : Siege

Beaucoup mieux qu'une annexe à Siege
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Ce tome fait suite à Thor: Latverian Prometheus (épisodes 604 à 606) qu'il faut avoir lus avant. Il regroupe le numéro spécial Siege: Loki, les épisodes 607 à 610 de la série Thor, et l'épisode 11 de la séries New Mutants, initialement parus en 2010, tous écrits par Kieron Gillen. L'épisode consacré à Loki est dessiné et encré par Jamie McKelvie, avec une mise en couleurs de Nathan Fairbairn. L'épisode des New Mutants est dessiné, encré et mis en couleurs par Niko Henrichon. Les épisodes de Thor ont été dessinés par Billy Tan avec BATT et Rich Elson avec une mise en couleurs de Christina Strain (avec l'aide de Paul Mounts, Matt Hollingsworth et June Chung), pour les épisodes 607 à 609, par Doug Braithwaite avec une mise en couleurs d'Andy Troy pour l'épisode 610.

Siege: Loki - Il y a quelques semaines en Asgard, encore situé en Latvérie, Doctor Doom quitte Loki en faisant le constat qu'il n'a pas changé. La projection de Doom se dissipe, et Loki sort sur le bacon contempler Asgard paisible sous le soleil. Il se dit qu'il faut tout brûler. Sous la forme d'une projection spectrale, il se projette à New York dans la tour des Avengers pour susurrer un plan d'action à l'oreille de Norman Osborn, qui lui permettra d'inscrire son nom dans les livres d'histoire. Puis il se rend physiquement dans un champ de neige en Latvérie pour deviser avec les âmes d'asgardiens décédés. Il les enserre dans le spectre d'un arbre et attend la nuit. Les Dísir apparaissent bientôt pour se repaître, ravies de l'aubaine.

Alors que la série Thor se dirige vers l'événement inter-séries Siege (2010) de Bendis & Coipel, le scénariste de la série Thor s'offre (avec l'autorisation de l'éditeur Marvel) un numéro hors-série portant le sésame Siege qui assure que les complétistes l'achèteront quel que soient ses qualités. le lecteur se plonge dans cet épisode en se doutant qu'il s'agit de mettre des pions en place pour le crossover, mais vraisemblablement rien d'indispensable. Il commence par voir comment Doom lance une pique à Loki qui effectivement se sent piqué au vif, sans le montrer à son interlocuteur. Les dessins sont réalisés avec un trait de contour fin et souple, très agréable à l'oeil, donnant l'impression que ce qui est représenté est simple et évident, à la fois aéré et dense, une belle réussite. La seconde scène confirme la dimension utilitaire de cet épisode, avec Loki soufflant l'idée du siège d'Asgard à Norman Osborn. Et puis… et puis les obligations étant remplies, le scénariste peut passer à l'histoire qui l'intéresse en continuant d'installer les Dísir, les toutes premières valkyries, qu'il avait commencé à introduire dans New Mutants 11. Loki se montre un manipulateur extraordinaire, jouant sur les désirs des uns et des autres, et sur les forces conflictuelles latentes. McKelvie montre tout ça avec un naturel confondant, les cases se lisant toutes seules, le lecteur étant subjugué par la duplicité élégante de Loki, et son intelligence. Il découvre des personnages mythiques pour les asgardiens, lui étant présentés comme à un spectateur privilégié, pour une dimension mythologique envoutante. Un délice extraordinaire, augurant du meilleur pour les collaborations suivantes de Gillen & McKelvie, que ce soit les Young Avengers ou la série The Wicked & the Divine, tome 1 : Faust départ.

Thor 607 à 610. Les asgardiens festoient à la suite de la situation stabilisée d'Asgard, mais leur fête est interrompue par l'aveugle Knut qui leur annonce une catastrophe sans précédent : la chute d'Asgard. Tyr se lève en colère pour faire constater la force de la communauté à même de faire face à toute menace, et Heimdall indique que ses yeux ne perçoivent aucune menace. Loki se lève pour prendre Knut en charge faisant observer qu'il parle peut-être sous l'emprise de la boisson. Il l'emmène dans une chambre à l'écart pour qu'il se repose. Alors que l'aveugle s'approche du lit, Loki sort un couteau et le poignarde dans le dos. le lendemain Heimdall se retrouve dans une cellule conçue sur mesure pour l'empêcher de contacter les asgardiens. Quatre jours avant Ragnarok, la déesse Kelda se rend au domicile des parents du défunt Bill pour leur annoncer la nouvelle. Une heure avant Ragnarok, Heimdall constate l'inutilité de ses efforts pour s'évader. Moins d'une heure avant Ragnarok, le siège d'Asgard débute.

Bon, le lecteur ne se fait pas beaucoup d'illusion, l'événement Siège a été soigneusement coordonné par les responsables éditoriaux en charge des séries Thor et Avengers, mais il s'agit avant tout d'une histoire servant à mettre en avant l'équipe de superhéros, plutôt que le fils d'Odin. D'expérience, il se doute qu'il ne va découvrir que des miettes de l'histoire, pas forcément indispensables. Mais voilà, Kieron Gillen est un scénariste aguerri qui sait y faire. Les trois premiers épisodes alternent entre trois personnages : Volstagg, Kelda et Tyr. Effectivement, il vaut mieux avoir lu Siège pour saisir le contexte général dans lequel se déroulent les différentes scènes, mais le scénariste parvient à capter l'attention du lecteur en poursuivant et menant à leur terme plusieurs intrigues secondaires. Il ne s'agit pas tant de dénouer une situation que de s'attacher à un personnage et aux épreuves qu'il traverse pendant l'attaque d'Asgard. le lecteur retrouve avec plaisir Volstagg qui avait été malmené, toujours aussi sympathique par sa réelle gentillesse, son gros ventre rassurant, et un savant dosage entre couardise assumée et courage irréfléchi, d'autant plus méritoire que ce guerrier a conscience de sa peur. le scénariste sait faire vivre cet individu imparfait, lui donner une dimension tragique et sympathique, tout en parlant de culpabilité, de rédemption, et de volonté de se racheter, des thèmes peu fréquents à cette époque dans les comics. Billy Tan arrête de vouloir singer la grâce éthérée des dessins d'Olivier Coipel pour revenir à des cases plus comics, plus rentre-dedans, et plus adaptées à ces combats plus grands que nature, avec force destructions, avec un niveau de détails supérieur à la moyenne.

Le lecteur découvre également ce qu'il advient de Kelda, la déesse tombée amoureuse d'un simple mortel dont l'association avec les asgardiens avait fini par être fatale. Après avoir essayé de se venger contre Doom dans le tome précédent, elle assume ses responsabilités devant les parents du jeune homme, puis devant la justice des hommes. Là encore, le scénariste sait mener à bien une sous-intrigue initiée par JM Straczynski son prédécesseur, en conservant la douceur et la pureté de la déesse, sans en faire une vierge effarouchée, en faisant une personne complexe et sympathique. Les pages sont réalisées par un autre artiste, avec des traits plus délicats et des couleurs plus douces pour être en cohérence avec la personnalité de la déesse. Enfin le dieu de la guerre doit lui aussi se confronter à ses limites, à ses manques face à sa charge. À nouveau un personnage complexe et faillible, moins agréable que Volstagg ou Kelda, mais le scénariste parvient à générer une empathie de bon niveau. Dans le dernier épisode, c'est le retour de Thor, après Siege, et il vient régler un problème présent depuis Civil War de Millar & McNiven. le scénariste change de registre pour un combat sans retenue, au cours duquel Thor réaffirme sa noblesse d'âme face à son double robotique, emportant tout sur son passage, et générant un enthousiasme sans retenue chez le lecteur. Les dessins de Braithwaite sont un peu paradoxaux : à la fois très puissants dans le mouvement, à la fois un peu délicats dans les couleurs douces et les contours aux traits cassants.

Ce tome contient donc également un épisode de la série New Mutants, également écrit par Kieron Gillen, se déroulant pendant Siege et consacré à Danielle Moonstar qui reprend son rôle de valkyrie, acquis dans X-Men: The Asgardian Wars lors du séjour des nouveaux mutants en Asgard. Les dessins réalisés à l'infographie présentent une beauté plastique spectaculaire, avec un jeu sur les couleurs pouvant passer d'un registre clinique à une apparence beaucoup plus enflammée. Niko Henrichon sait donner un souffle mythologique à son récit avec des pages habitées par des forces surnaturelles qui dépassent les simples mortels, et des personnages plus grands que nature. Gillen se montre très à l'aise pour manier la mythologie nordique à la sauce Marvel, montrant l'enjeu du voyage des âmes des asgardiens morts pendant les affrontements. le lecteur ne s'attend pas forcément à un morceau de mythologie aussi bien réussi dans un tome dont il pensait qu'il ne s'agissait que d'événements secondaires.

A priori, rien de très enthousiasmant à lire des épisodes d'une série vidée de sa substance quand l'intrigue principale se déroule dans la minisérie événement du moment. Dès le premier épisode, le lecteur constate que le scénariste ne l'entend pas de cette oreille et qu'il a une histoire à raconter : le retour des Dísir, des créatures issues d'Asgard et particulièrement redoutées. Par la suite, il remercie intérieurement Kieron Gillen qui s'acquitte de la tâche de terminer les intrigues du scénariste démissionnaire avec une sensibilité juste pour les personnages. En outre, les dessinateurs se montrent tout aussi impliqués, ne se contentant pas de dessiner au kilomètre pour respecter les délais, mais réalisant des planches personnelles aux saveurs variées, entre la fausse gentillesse de McKelvie, le descriptif rentre-dedans de Tan, la délicatesse robuste d'Ellson, la force éthérée de Braithwaite et la sophistication surnaturelle d'Henrichon.