Scénariste de renom outre Rhin,
Annette Hess signe avec
La maison allemande un premier roman original par l'angle qu'il donne au lecteur sur l'après-guerre en Allemagne. Il serait plus juste d'ailleurs de parler d' "après nazisme". Car c'est du procès de responsables nazis ayant sévi dans le camp d'Auschwitz-Birkenau dont il va être question dans ce roman. Eva, interprète en langue polonaise va se trouver sollicitée pour traduire le témoignage de rescapés du camp venus témoigner lors du procès.
Fille cadette d'un couple de restaurateurs allemands ordinaires, plutôt sympathiques, généreux et appréciés, exerçant leurs talents dans un restaurant populaire «deutsches haus », elle va par son activité d'interprète pendant le procès remonter le fil de sa propre mémoire.
De témoignage en témoignage, Eva va sortir de la léthargie et de l'indifférence ambiantes, se confronter aux réalités d'un passé tout proche, celui de sa propre famille et de tout un peuple…
Plusieurs personnages gravitent autour de l'héroïne qui chacun par touches juxtaposées incarnent un aspect de cette période post apocalyptique si complexe. le texte n'est pas exempt de défauts comme par exemple l'aspect inabouti de certaines relations ébauchées, qu'on aurait aimé voir davantage fouillées, ou encore la froideur du récit qui aurait souvent gagné à être plus investi émotionnellement…(Peut-être un style un peu trop scénaristique.)
Mais c'est un roman très intéressant et courageux qui offre au lecteur un point de vue sur le nazisme du quotidien ayant investi chaque strate de la société au point de la gangrener dans sa totalité.
*"Jamais ce “Reich” n'aurait pu fonctionner comme il l'a fait si la plupart des gens n'y avaient pas adhéré", dit un des personnages.
C'est aussi un regard acéré sur le déni de réalité, l'absence de culpabilité, la déshumanisation d'exécutants qui refusent d'assumer une once de responsabilité, quitte à nier le crime, et la lâcheté, la soumission par la terreur, donnant à voir sans fard l'infinie laideur humaine .
J'y ai vu une très bouleversante métaphore de l'actualité qui n'est pas sans rappeler certains aspects de cette sombre période. En tout cas, l'ambiguïté, la complicité du monde médical sous couvert de sciences pose question. Et la disparition des principes moraux en quelques injonctions autoritaires aussi!
Dans la quatrième partie du roman, la meilleure à mon avis, le travail d'investigation et d'enquête que font une partie des protagonistes de cette histoire sur les lieux du crime, c'est-à-dire à l'intérieur du camp d'extermination donne lieu à des passages poignants qui m'ont beaucoup touchée et dont j'ai trouvé le ton juste.
La fin du roman est particulièrement réussie. Les tensions sont à leur comble, les liens se distendent, les émotions se cristallisent jusqu'au dénouement.
Une très belle découverte.