Resident Alien Volume 1: Welcome to Earth!

Ce tome est le premier d'une nouvelle série. Il comprend les épisodes 0 à 3 qui constituent une histoire complète en elle-même (= pas de sentiment de frustration si on ne lit que ce tome-ci). Ils sont initialement parus en 2012. L'histoire est écrite par Peter Hogan, dessinée encrée, et mise en couleurs par Steve Parkhouse.

Dans la petite bourgade de Patience, le shérif Mike (avec un de ses adjoints) vient chercher le docteur Harry Vanderspeigle qui est en train de pêcher dans une barque, sur le lac voisin. le docteur Hodge vient d'être assassiné, et la police a besoin d'un autre docteur pour les premiers constats légistes. Bizarrement, Vanderspeigle a la peau violette, un crâne un peu allongé, des oreilles pointues, et personne ne semble s'en émouvoir.

Il s'agit en fait d'un extraterrestre coincé sur Terre (son vaisseau a été entièrement détruit lors du crash), vivant assez isolé des humains. Mais rapidement il se prend au jeu de trouver les indices et essayer de reconstituer les faits, tout en assurant les soins médicaux de cette petite communauté. Il accède donc à la requête du maire Cuthbert C. Hawthorne de remplacer temporairement le médecin décédé, et il éprouve un sentiment paternaliste vis-à-vis d'Asta, une infirmière.

A priori, il n'y a pas grande raison de s'intéresser à cette histoire courte (l'équivalent de 4 épisodes). Les auteurs montrent dès la septième page qu'Harry Vanderspeigle est bien un extraterrestre. Ils expliquent rapidement pourquoi les autres autour de lui ne se rendent pas compte qu'il a la peau violette et les oreilles en pointe. Bref, au bout d'un épisode, ce bon Harry devient un enquêteur, avec un petit plus (celui de percevoir si un individu dissimule un sentiment), assez proche d'un être humain.

Le lecteur est donc en présence d'une enquête policière assez traditionnelle, dans laquelle la nature extraterrestre du personnage n'a pas beaucoup d'incidence. le mystère est bien ficelé, et la résolution est satisfaisante. Peter Hogan n'est pas le premier scénariste venu : il a déjà travaillé avec Alan Moore, en particulier pour une série America Best Comics, Terra Obscura: S.M.A.S.H. of two worlds à laquelle il avait fait honneur. Steve Parkhouse a lui aussi travaillé avec Alan Moore : The Bojeffries saga, une série parodique.

De fait, le lecteur se rend compte qu'il se prend rapidement d'amitié pour Harry Vanderspeigle. Hogan lui insuffle une personnalité mêlant curiosité, mélancolie et gentillesse. le fait qu'il puisse surmonter facilement les cachoteries des personnes avec qui il discute donne un rythme rapide à l'enquête sans devenir épileptique. Autour du personnage principal, évoluent des individus ordinaires, aux comportements normaux. Cela ne veut pas dire qu'ils sont fades, mais qu'il s'agit de personnes plausibles dont il est facile de croire qu'elles puissent exister.

Le lecteur peut alors apprécier de prendre son temps pour découvrir les discussions réalistes, avec un sentiment de chaleur humaine émanant d'une petite communauté où tout le monde se connaît. Parkhouse donne corps à cet environnement à taille humaine, avec des dessins réalistes, un peu simplifiés, avec un encrage légèrement rugueux.

Les individus ne sont pas franchement beaux, mais ils sont normaux sans être lisses. Les décors ne regorgent pas de détails, mais ils sont réalistes, sans être génériques. le lecteur peut s'immerger dans un environnement spécifique, avec un niveau de détails suffisant. Parkhouse s'avère très convaincant pour croquer des visages avec des expressions parlantes. Les individus qui peuplent ce récit ne sont pas naïfs, mais ils sont a priori dans une bonne disposition d'esprit vis-à-vis de leurs voisins, de leurs concitoyens. Ils sourient régulièrement dans une ambiance détendue.

Steve Parkhouse a l'art et la manière de choisir et d'inclure le bon accessoire au bon moment, celui qui apporte une touche de véracité. Il peut s'agir du bob avec des hameçons d'Harry Vanderspeigle, de la tasse à thé d'Asta, d'un bonnet péruvien porté par un enfant, de roses dans un vase, etc. À l'instar du mode d'écriture de Peter Hogan, ce sont les petits détails qui permettent à un état d'esprit de s'incarner, sans mépris.

Parti pour une histoire d'extraterrestre, le lecteur découvre un petit polar sympathique et bien ficelé dans une petite ville bien campée par des dessins porteurs de nuances. Finalement il apprécie de rencontrer ces habitants accueillants, sans être mièvres, de déambuler dans les rues archétypales de ce patelin, de sentir la proximité de la nature. Petit à petit, il se rend compte que le choix d'un extraterrestre permet aussi à Peter Hogan de parler en douceur de déracinement, de différence culturelle, de solitude à la fois imposée et choisie, d'accepter les choses qui ne peuvent être changées. Loin du bruit et de la fureur, cette histoire révèle sa saveur délicate, ses touches d'humanité, malgré une ou deux ficelles un peu grosses. Les mêmes auteurs ont raconté une deuxième histoire mettant en scène Harry Vanderspeigle : The suicide blonde.